« Loin d’être originelles, nos racines sont devant nous. » À partir de ce constat singulier, l’intellectuel palestinien francophile Elias Sanbar s’intéresse aux « moments privilégiés » qui contribuent à forger l’identité d’un peuple, le palestinien en l’occurrence.
L’auteur en dégage trois figures principales, traitées de manière chronologique. Au XIXe siècle, sous l’Empire ottoman, la figure dominante est celle du Palestinien habitant une Terre sainte, presque hors du temps, lieu sacré où coexistent trois grands monothéismes.
De ce portrait un peu brumeux émerge une figure de remplacement, celle-là en conjonction étroite avec les bouleversements politiques du début du XXe siècle : mandat colonial britannique, immigration accrue des juifs, conséquence de leur persécution en Europe. L’Occident se construit alors une image néfaste des Palestiniens, brimant une communauté juive qui reprend et exploite à juste titre un territoire qui lui appartiendrait de droit. La communauté palestinienne, vue comme des « arabes en Palestine », pire comme les « non-juifs de Palestine », devient étrangère sur sa propre terre.
Après les expulsions de 1948 dues à la guerre israélo-arabe, et ce qui s’ensuivit, l’entassement des Palestiniens dans des camps de réfugiés, le Palestinien fait désormais figure d’« invisible », d’« absent », bref il subit un travail d’effacement de la mémoire. « Un édifice en trois étages émerge : expulsion, prévention de tout retour des Palestiniens et mainmise des seuls juifs sur les lieux. » Contre ce déni d’existence se développe alors une culture bien distincte, vivace, nourrie de nostalgie, la culture d’un peuple qui croit au retour mythique à la terre d’origine, et qui réclame un État bien à lui.
Un seul agacement à la lecture de cet ouvrage par ailleurs fouillé, dense, riche en informations : une utilisation particulière des sources externes, qui sont citées comme il se doit, entre guillemets, mais sans en identifier les auteurs.