Tout comme la biographie étoffée de Marie-Josée Michaud consacrée à Claude Léveillée, ce portrait de Jean-Pierre Ferland, tel que décrit par ses chansons, ses collaborateurs et admirateurs, contient des anecdotes, beaucoup de compliments et d’hommages. À part un commentaire éclairant à propos de la chanson « Sur la route 11 », on n’y trouve pas vraiment d’analyse de l’œuvre, ni d’étude sur des textes pourtant riches et d’une grande sensibilité. Outre ses origines et son enfance, on rappelle quelques étapes de la carrière fructueuse du chansonnier : ses débuts à l’époque des Bozos en 1959, ses séjours à Paris, ses premiers succès (« Je reviens chez nous »), les grands projets, comme Jaune (1970), son plus célèbre album, qui changea le visage de la musique au Québec.
Malgré sa réputation enviable, j’estime que Jean-Pierre Ferland demeure toujours un chanteur sous-estimé, du calibre des plus grands (Vigneault, Brel) : des disques comme La pleine Lune (1977) me semblent remarquables et ont pourtant été injustement dénigrés par une certaine critique et une partie du public lors de leur sortie. Le livre de Sophie Durocher, qui devrait dresser un bilan plus exhaustif de cette carrière, fait principalement écho au côté « glamour » de la célébrité ; on traite surtout de ses grands succès, de sa vie privée, de ses nombreuses amours, mais on ne découvre pas suffisamment la richesse et les aspects encore méconnus de l’œuvre de ce grand créateur. On a trop vite oublié des albums fabuleux de Ferland, comme Les vierges du Québec (1973), trop brièvement évoqué dans les dernières pages.
En revanche, la qualité éditoriale de ce livre est formidable et celle de l’iconographie, insurpassable. Des textes de chansons sont reproduits (« Marie-Claire », « T’es belle »), parfois sous forme de manuscrits (« Une peine d’amour », « Envoye à maison »). Je reprocherais néanmoins à Sophie Durocher d’avoir eu un accès privilégié à une foule d’archives personnelles et inédites sans avoir su les ordonner, les dater et les présenter chronologiquement. L’ouvrage se termine sans discographie, sans index des noms ; la bibliographie reste minimale et imprécise.