Une pleine brassée de photographies révélatrices, touchantes, convaincantes ! Le texte, délibérément sobre et laconique, laisse toute la place à ces éloquents clichés ; humilité louable, car les silhouettes des « bonnes sœurs » suffisent à véhiculer le message. Ce message, c’est que les vocations religieuses furent nombreuses au Québec jusqu’à la Révolution tranquille et que bien peu de secteurs d’activités échappèrent aux généreuses initiatives de ces femmes.
On s’inclinera sans réticence devant l’orientation privilégiée par cet album. Aux lecteurs d’imaginer ce que peut cacher de cheminements discrets, douloureux et même héroïques le rassemblement de dizaines de milliers de femmes autour de tâches essentielles et pourtant ignorées par les pouvoirs publics. On nous les montre à l’œuvre dans les hôpitaux, les cloîtres, les établissements d’enseignement, les presbytères, les crèches, les missions à l’étranger, et on se dispense de gloser sur les causes sociologiques ou historiques de cette vaste mobilisation. On aura pu affirmer, par exemple, que le virage de la France vers une laïcité intolérante a rendu la vie impossible au clergé et à différentes communautés religieuses. Le Québec s’est alors présenté comme un décor accueillant, d’autant plus que des personnages comme l’évêque Ignace Bourget multipliaient les invitations à l’endroit de ces communautés. Anne-Marie Sicotte, qui sait tout cela, préfère insister sur le fait que le Québec de l’époque offrait aux femmes encore moins de possibilités de réussite que la vie religieuse. « En se consacrant au service de Dieu, écrit-elle, les religieuses ont bénéficié d’un espace élargi pour s’épanouir personnellement et professionnellement. » L’auteure n’a pas voulu non plus loger dans sa superbe vitrine les informations qu’un esprit cartésien aurait souhaitées au sujet des vœux, de la translation, de l’essaimage des carmels, du vieillissement des communautés, etc. Préservé de précisions fastidieuses et de plaidoyers lourdauds, l’album est simplement beau et invite à la reconnaissance.