Nous les croisons à Montréal, à Québec, ailleurs : les migrants font partie de nos vies, alimentent l’actualité politique. Des gens qui, souvent sous la contrainte, doivent s’arracher de leur pays, recommencer, dans un présent tout neuf, à réinventer.
Dina Nayeri, d’origine iranienne, a une telle histoire à raconter. La sienne, mais aussi celles d’autres migrants, qu’elle a choisi, une fois elle-même bien établie, d’aller rencontrer, pour faire écho à leurs trajectoires.
Bien établie en effet, car l’auteure arrive aux États-Unis à l’âge de dix ans et, malgré le caractère toujours un peu brutal d’une telle transplantation, elle en vient, notamment grâce à ses exploits dans un sport de combat (taekwondo), à fréquenter Princeton, puis Harvard. Devenue mère, elle est maintenant une écrivaine reconnue qui partage son temps entre Londres et Paris.
Son histoire à elle (divisée en cinq chapitres : la fuite, le camp, l’asile, l’assimilation et le rapatriement culturel) est déjà singulière : née musulmane, sa mère médecin se convertit au christianisme, fait du prosélytisme, une trahison en terre iranienne, ce qui pousse la famille dans une vie remplie d’embûches, puis à l’exil.
L’auteure s’attarde notamment sur le destin de ceux qui racontent leur histoire à un fonctionnaire de l’immigration ; et sur le fait que le jugement, parfois arbitraire, de ce fonctionnaire anonyme, la crédibilité qu’il donne ou non à l’histoire racontée par un migrant, détermine l’entrée ou non dans le pays d’accueil, bref la suite de toute une vie.
Dina Nayeri déplore aussi l’attitude moins empathique, voire devenue hostile, des Occidentaux face aux périls des réfugiés, dans un monde porté à accorder du crédit à des fumistes à la Trump ; et qui voit d’un œil suspicieux ces migrants qui ne veulent pas être plaints, mais simplement se bâtir une vie faite de dignité, avec un rêve à poursuivre.
Pour ceux qui, comme la majorité d’entre nous, sont nés sous de bons cieux, cette attitude d’ouverture devrait être considérée comme un devoir humain ; et sans rien en exiger, même pas, dit l’auteure, la gratitude qu’un certain populisme demande pompeusement en retour.