Pour qui s’intéresse de près à l’œuvre de Paul Auster, à sa genèse, à la démarche empruntée qui, d’un livre à l’autre, s’affirme, se déploie, se renouvelle, le projet se révélait aussi intéressant qu’intrigant : remonter le fil du temps pour explorer les arcanes qui ont formé un esprit inventif. Mais, comme les précédents projets, Chronique d’hiver et Ici & maintenant, dans lesquels Paul Auster dressait, dans le premier cas, un bilan de son expérience de vie à partir des traces visibles laissées sur le corps et, dans le second, nous livrait des échos semblables, cette fois à partir d’une correspondance étalée sur trois ans avec l’écrivain sud-africain J. M. Coetzee, le résultat déçoit. La micheline austérienne roule rondement, confortablement même (trop ?), mais le passager enthousiaste que j’étais à l’idée d’entreprendre cette excursion s’est rapidement révélé empressé d’arriver à destination, survolant même certains passages.
L’avertissement avait pourtant été donné : la tâche à laquelle il allait se consacrer, s’empressait de préciser Paul Auster, s’avérerait plus « ardue » que la précédente, « voire impossible ». Sans doute cela nécessitait-il une objectivation plus grande du sujet que ce ne fut le cas pour Chronique d’hiver, motivant le choix ici fait de recourir à une narration à la seconde personne. Mais si ce choix fut aidant en cours d’élaboration du projet, facilitant la distanciation du sujet et son appropriation, il apparaît autrement discutable quant au résultat produit. Le projet initial – révéler la « lente progression de l’ignorance vers quelque chose qui ne serait pas tout à fait l’ignorance » – était des plus intéressants. Mais force est de constater que les remontées dans les méandres de la mémoire auxquelles se livre Paul Auster, qu’elles révèlent les premières croyances, les premières figures emblématiques, les premières amitiés et les déceptions qu’elles entraînent, les premières découvertes littéraires et scientifiques, les premiers éveils de conscience politique, illustrés par un album photographique à la fin du volume, ces excursions dans la zone intérieure ne parviennent pas à maintenir l’intérêt. Les trop longs passages qui résument et analysent les deux films qui ont profondément marqué Paul Auster et la reproduction des lettres échangées avec sa première femme alors qu’il séjournait à Paris au début de la vingtaine finissent par nous égarer totalement, loin des fabuleuses cités de verre auxquelles Paul Auster nous a habitués. Vivement de nouvelles excursions dans l’imaginaire austérien.
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