Certains croient que l’essor de la musique au Québec a débuté avec La Bolduc. Ce serait oublier qu’il y a toujours eu des chansons et de la musique lyrique, depuis la Nouvelle-France. Si une pionnière de la musique lyrique comme Emma Albani (1847-1930) est encore relativement connue, on se souvient moins de cette autre grande cantatrice du Canada français, Éva Gauthier (1885-1958). Peu de traces de ses prestations subsistent : on ne trouve aucun repiquage de ses enregistrements 78 tours sur CD, mais en cherchant sur YouTube, on peut entendre sa voix dans des pièces folkloriques, beaucoup moins diffusées que les airs avant-gardistes qui l’ont rendue célèbre, il y a un siècle.
Éva Gauthier connut trois décennies de gloire, entre 1906 et 1937. Lors de son triomphe à New York, en 1923, elle interpréta des mélodies de ragtime et de jazz adaptées par George Gershwin à partir de mélodies afro-américaines, avec au piano le compositeur lui-même, alors peu connu ! Malheureusement, la maladie la força à interrompre sa carrière scénique pour se consacrer à l’enseignement ; elle mourut à New York, en 1958.
Biographie romancée, Éva Gauthier, La voix de l’audace évoque surtout les années 1920, durant lesquelles cette mezzo-soprano fait le tour du monde, ce qui à cette époque était inusité pour une artiste née à Ottawa. Habitant New York, elle présenta George Gershwin à Maurice Ravel, en 1928, et leur servit doublement d’interprète, à la fois musicale et linguistique. Son répertoire éclectique comprenait des œuvres parfois inédites de jeunes compositeurs contemporains qui marqueront le XXe siècle : Darius Milhaud, Béla Bartók, Paul Hindemith, mais aussi Manuel de Falla, Francis Poulenc, Erik Satie et Igor Stravinsky, avec lesquels elle entretient une correspondance. Son auditoire étatsunien semble apprécier ces mélodies parfois atonales, mais il reste très réticent lorsqu’elle ose chanter du jazz, que la bonne société associe aux Noirs !
Auteur prolifique, Normand Cazelais rend justice à cette cantatrice oubliée à laquelle personne n’avait consacré d’étude approfondie. Le style de la biographie romancée, avec ses dialogues inventés, risque de rebuter certains mélomanes soucieux de vérité historique. En effet, on ne sait jamais exactement ce qui est avéré et ce qui est imaginé ou exagéré dans des extraits de lettres, des confidences ou des pensées formulées à voix haute par le personnage central. Même les passages en italiques semblent partiellement inspirés d’un hypothétique cahier noir. Seulement quelques notes en bas de page insisteront sur la véracité d’un détail, comme le surnom de « Kiddie » que lui donnera son mari. Mais le lecteur voulant suivre le parcours glorieux d’une héroïne sera bien servi par ce récit enthousiasmant, basé sur un personnage ayant vraiment existé.
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