« Quand j’étais petite, j’inventais des façons de tuer mon papa. » Ainsi commence Ellen Foster, le premier roman de Kaye Gibbons. Cette phrase inaugurait une œuvre violente qui témoigne de la vie rude des femmes du sud des États-Unis sans en faire des victimes. Son nouveau roman, En mon dernier après-midi, est une saga de la guerre de Sécession qui rappelle Autant en emporte le vent, l’amour tragique en moins. Kaye Gibbons, née en 1960 en Caroline du Nord, plus précisément à Raleigh où se déroule en partie ce roman, donne encore la parole à une femme. Peu de temps avant sa mort, Emma Garnet repense sa vie pour l’écrire. Elle se souvient de son enfance à Raleigh, alors qu’elle vivait entre un père monstrueux que seule la négresse Clarice pouvait affronter et une mère raffinée mais soumise. Le mariage lui permettra d’échapper à l’enfer familial. Secondée par Clarice, Emma devient mère et coule des jours heureux aux côtés d’un médecin de bonne famille. Ce qui ne l’empêche pas de se sentir coupable d’avoir abandonné sa mère à un fou qui devient furieux dès qu’il est question de libérer les Noirs. Il ne pourra cependant rien contre la guerre. Le mari médecin portera secours aux victimes, aidé d’Emma Garnet, qui gardera en mémoire la souffrance des hommes ; son évocation donne les pages les plus prenantes du roman.
Kaye Gibbons dénonce la violence dont nous sommes capables comme dans ses romans précédents, mais sans en retrouver le ton, celui de narratrices issues de milieux pauvres qui s’exprimaient sans fioritures. L’écriture était simple, criante de vérité. Emma Garnet exprime la souffrance, mais l’élégance de la phrase entrave trop souvent le récit des jours difficiles. Trop pour qu’on en soit touché. Pour découvrir l’univers inspiré de l’auteure, il faut lire Ellen Foster et Une femme vertueuse.