L’abondante iconographie de cet ouvrage permet de comprendre l’importance, la qualité et aussi la diversité de l’œuvre d’Edmond-Joseph Massicotte. On connaît ses « tableaux canadiens », comme on les appelait, exposés dans tant de foyers canadiens-français. On sait aussi qu’il était prolifique et qu’il a heureusement « fixé le souvenir » de traditions chères aux Québécois. C’est, hélas souvent, la limite de nos connaissances. Pourtant, le cas Massicotte est bien plus complexe.
David Karel, professeur à l’Université Laval, et membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises, vient compléter nos connaissances dans le catalogue d’une exposition consacrée à l’artiste, présentée au Musée national des beaux-arts de Québec. Sa démarche est celle, méthodique, d’un historien de l’art. Son texte est une mise en contexte. Il explique l’inextricable enchevêtrement d’incidents et de circonstances qui ont fait de Massicotte ce qu’il a été. On apprend qu’il ne termina pas ses études, qu’il se fit illustrateur et évolua en dehors du système des galeries. Moderne, il adopta les styles en vogue en Europe. Il se sentait à l’aise dans le tohu-bohu de la vie urbaine. Il est la représentation du véritable flâneur, ce type d’homme, né dans le Paris de la fin du XIXe siècle et devenu l’incarnation du peintre de la vie moderne dans tous ses aspects. À ce titre, dans le Québec du tournant siècle, il fait figure de pionnier. Et voilà qu’il se tourne vers la tradition, développe un « régionalisme » très personnel, créant, entre autres, un nouveau rapport entre le texte et l’illustration.
Étant donné l’aspect souvent « commande », l’aspect quelquefois « propagande » de l’œuvre ainsi que les moyens techniques employés par Massicotte, David Karel a dû en tenir compte pour guider certains de ses choix de commissaire : était-il un artiste, a-t-il fait œuvre d’art ? Une question posée qui devrait être débattue dans un cadre plus large.