Ces Mémoires constituent le parcours d’une écriture qui peut être compris comme le prolongement de l’essai Anatomie de l’horreur, T. I (Du Rocher, 1995/J’ai Lu, 1997). Ce dernier explorait principalement les films d’horreurs américains des années 1950-1980 en nous montrant ceux-ci comme l’expression d’horreurs plus concrètes, réelles, tant économiques, sociales, politiques que culturelles. Son plus récent ouvrage contient aussi un « intermède biographique » qu’il est possible de considérer comme le point de départ d’une écriture qui allie l’autobiographie, l’analyse de l’œuvre et l’essai sur le métier d’écrivain. Il a été mis en chantier par Stephen King en 1997, délaissé en 1998 puis repris en 2000 à la suite d’un très grave accident qui aurait pu lui être fatal.
Le propos est le suivant : comment notre auteur en est-il arrivé à écrire, à travailler sur le langage ? Stephen King précise, au départ, qu’il ne s’agit pas d’une autobiographie conventionnelle mais bel et bien d’un simple CV dans lequel il tente de nous montrer comment un écrivain a pu se former. Par exemple, on sait qu’il a étudié la littérature américaine à l’Université d’Orono (Maine) entre 1966 et 1970, et qu’il y a enseigné à titre d’écrivain invité en 1978. On connaît le succès de Carrie (1974), Salem (1975), de Shining (1977) et du Fléau (1978). L’important, cependant, sera de s’intéresser à la réflexion du romancier sur l’écriture et non à l’unique portrait qu’il peut faire de lui-même, de son cheminement personnel : sa biographie ‘ au sens stricte ‘ est assez bien connue.
Premièrement, Stephen King écarte l’idée d’un lien vital existant entre la consommation de drogues de tous genres et la créativité. C’est un piège, d’ailleurs, duquel il a pu s’échapper. La création est surtout un travail et non pas le fruit d’une inspiration explosive. Mais il existerait un lieu d’où l’écrivain est à même de nous faire parvenir une vision particulière du monde qui serait constamment à élaborer, à modifier selon les structures du projet d’écriture en cours. N’oublions pas que Stephen King a enseigné la grammaire, qu’il n’oublie jamais la rigueur inhérente à la création littéraire tout en insistant, cependant, sur la « magie » qui transcende ces structures de l’écriture et cela, sans faire appel à la figure d’une muse quelconque inspirant l’écrivain. Pour créer, l’apprenti écrivain doit se soumettre à deux nécessités : lire beaucoup et écrire énormément. Cela lui permet de découvrir son style propre, sa « vérité ». Stephen King dira, par ailleurs, qu’il est plutôt un romancier de situations amenant de l’inédit au lieu de proposer des intrigues artificielles, toutes faites. Toujours est-il que c’est la beauté de l’art, sa force vivifiante, qui l’emporte sur un monde trop souvent mortifère.