Après Mikado, un recueil de nouvelles qui se déroulaient au Japon, l’éditeur Christian Feuillette nous offre à lire un second ouvrage de la nouvelliste Andrée Gagné. Eaux-Vannes réunit huit textes, regroupés en trois grandes parties : « Eaux de reflux », « Eaux pluviales » et « Eaux troubles ». Chaque histoire, aussi distincte soit-elle, s’inscrit dans la continuité de la métaphore aquatique qui sous-tend l’ensemble de l’ouvrage. Que ce soit pour décrire les sentiments d’un personnage, la couleur du temps ou l’ambiance d’un lieu, Andrée Gagné manie avec doigté les expressions fluviales évocatrices.
Les nouvelles du recueil Eaux-Vannes, dont l’action se déroule surtout à Montréal, sont profondément urbaines et modernes. L’auteure nous présente des personnages souvent écorchés, qui tentent de trouver des réponses aux questions qui les torturent. Que ce soit dans la fuite, la drogue ou l’écriture, les êtres qu’elle fait vivre sous nos yeux cherchent tous à faire face à leurs démons et à leur difficulté de communication. Andrée Gagné n’a pas peur d’aborder des sujets parfois brûlants – l’abus de drogue, le suicide, l’emprise sectaire ou même le meurtre – qui ont tôt fait de déstabiliser le lecteur. Grâce à un style vif, les nouvelles nous précipitent rapidement au cœur de la tourmente et se terminent parfois de façon abrupte, nous laissant perplexe, comme au seuil d’une rencontre aussi brève que troublante. La plupart des textes d’Eaux-Vannesse terminent d’ailleurs par des points de suspension, comme si l’auteure choisissait de laisser flotter sa pensée sans l’immobiliser
L’écriture d’Andrée Gagné est vive et limpide, même si elle reflète parfois peu fidèlement certaines réalités (le langage des jeunes de la rue, par exemple). Malgré cela, Eaux-Vannes nous offre des histoires intéressantes et toujours surprenantes ; mentionnons entre autres la nouvelle « Le Jardin grec », qui raconte l’histoire charmante d’un fou du calepin qui consigne chacune de ses rencontres.