Après les ouvrages des écrivains Christiane Duchesne, Naïm Kattan, Sylvie Massicotte, Hugues Corriveau (pour n’en nommer que quelques-uns), la collection « Ici l’ailleurs » s’enrichit d’une nouvelle publication, D’un ici à l’autre de Pierre Thibeault. Ayant vécu à Paris pendant quatorze ans, le Montréalais d’origine est bien placé pour parler de l’influence qu’a exercée sur son parcours individuel le pays étranger.
Loin d’être perturbé, l’enfant de sept ans qui arrive à Paris cesse rapidement d’associer « l’ailleurs » à une ville : « l’ailleurs », c’est son univers intérieur, son imaginaire, la découverte de Rimbaud, de Montaigne et, plus tard, des Sex Pistols. « C’est toujours notre ailleurs qu’on balade dans tous les ‘ici’ de la terre et que les rencontres viennent nourrir », conclut-il.
Le premier jour à l’école, devant les enfants qui utilisent des mots dont la signification lui échappe (« covebois » pour « cowboys » par exemple), les souvenirs de sa mère, l’amitié de Youssef et de Rachida qui, en dépit de leur pauvreté, de la résignation et des errances de leurs propres enfants, entretiennent des rapports chaleureux avec le jeune punk inspirent à l’auteur de très belles pages. Ainsi que la révolte ressentie devant le racisme montant. Pourtant, le tout a un petit air de déjà lu : la colère envers le monde et son hypocrisie n’est-elle pas le propre de l’adolescence ? Même si elle se définit ou se manifeste différemment d’une personne à une autre, son caractère reste reconnaissable. Aussi, le sentiment qu’on « ne vient de nulle part » n’étonne plus, à une époque où le phénomène de l’émigration a pris tant d’ampleur.
L’essai aurait gagné à être davantage travaillé : certaines répétitions, bien qu’intentionnelles, brisent le rythme de la lecture ; les expressions déjà entendues (comme « Je ne suis pas pessimiste. Plutôt un optimiste lucide. ») sonnent faux et n’apportent rien à ce court ouvrage. Lequel, malgré ces quelques notes discordantes, n’est pas dépourvu de charme.