Dépressif dans le roman précédent, Duane table ici sur l’amour pour reprendre goût à la vie. Il usera et abusera de cette denrée au point de rescinder plusieurs des décisions arrêtées quand il avait le moral en berne. Les habitants de la minuscule ville texane de Thalia le reverront même au volant d’une camionnette flambant neuve, lui qui s’était juré de ne compter désormais que sur la marche et le vélo.
Ce ne sera pourtant pas le tête-à-queue le plus brutal de Duane. Le contraste entre le jeûne sexuel des temps révolus et la fringale érotique du nouveau Duane est plus marqué encore que celui que se permet Duane dans ses relations avec les véhicules motorisés. Avant et après le décès de son épouse Karla, Duane dominait sans peine ses rachitiques appétits sexuels ; il avait même habité au creux d’un lupanar sans jamais égratigner sa chasteté. À peine avait-il ressenti et exprimé une certaine attirance pour sa psychiatre, attirance frappée d’interdit par le lesbianisme de la dame en question. Mais voilà que Duane, tout juste revenu du voyage en Égypte qu’il avait planifié comme dérivatif, voit soudainement son jardin affectif envahi et même surpeuplé. D’un côté, Anne, une experte en exploitation pétrolière, l’associe à son apprentissage de l’art d’aimer ; de l’autre, Honor, la psychiatre hier hors d’atteinte, recourt à lui pour anesthésier une peine d’amour inattendue. Avec Anne, Duane partage un amateurisme sympathique ; avec Honor, le même Duane s’éveille à des pratiques dont il n’aurait osé rêver.
Même si McMurtry maîtrise toujours l’art des pirouettes stylistiques et des trouées vers l’improbable, Duane est amoureux ne parvient pas au charme de Duane est dépressif (Sonatine, 2014). Moins inspiré, ce roman ne compte même pas la moitié des pages de son prédécesseur. Au départ, le nouveau Duane y va cette fois encore de ses déroutants raisonnements et fait illusion : « Jody Carmichael ne s’était peut-être pas fait couper les cheveux depuis six ou sept ans, mais c’était un homme qui, le plus souvent, savait de quoi il parlait ». Ellipse savoureuse ; on n’en retrouve pas l’équivalent aussi souvent que dans le bouquin précédent. Comme s’il constatait lui-même sa baisse de régime, McMurtry greffe une réflexion un peu désabusée sur l’évolution de son héros : « La morale, s’il y en avait une, était qu’aucun lieu ne suffisait à héberger toutes les étapes de la vie. Ses besoins, comme les besoins de la plupart des gens, changeaient, variaient ». Est-ce là une grande découverte ?
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