La formule a laissé sa marque. Même ceux qui n’ont aucune idée de ce que cherche l’anthropologie ont appris à déguster les lieux communs des deux comparses, que l’évidence est fragile, que le vernis apparent cache des teintes oubliées, que la relativité ne s’impose pas seulement en physique nucléaire. Bouchard et Arcand auront incarné l’anthropologie.
Les deux complices, à en juger par le plus récent recueil de leurs lieux communs, se sont eux-mêmes pris au jeu. Au point de placer la barre toujours plus haut. Des jeux de mots que l’il détecte aisément dans le texte écrit ont ainsi affleuré dans des présentations verbales où ils requièrent de l’oreille une grande vigilance. Avoir le « pousse vert », voilà qui plaît à l’il et peut échapper à l’oreille. Que la pelouse lisse comme un tapis de billard soit un « champ du signe », c’est génial pour l’il, mais cela exige beaucoup de l’oreille. Que Bouchard et Arcand puissent se permettre de telles audaces témoigne de la complicité établie avec leurs auditoires de la radio et du livre : leurs fidèles savent de quoi Arcand et Bouchard sont capables et ils demeurent sur le qui-vive, attentifs à n’en rater aucune.
Quelques verdicts tranchants (laideur des écoles, crétinisation par la bibliothèque électronique, la très nette supériorité de Montaigne sur Bernard-Henri Lévy, etc.) écorchent un peu la relativité anthropologique, mais qui s’en plaindra ?