Composé de dix courts ouvrages à saveur pamphlétaire, ce coffret nous propose une pensée critique qui s’étale sur plus de trois cents ans (1626-1995) ! Conséquemment, nous sommes en présence de textes très diversifiés qui ont en commun le constat d’un état de fait que les auteurs jugent négatif par rapport à un ordre social particulier. En fait, ils ont la particularité d’être « contre »quelque chose : l’inégalité, la misère, l’éreintement par le travail, les carences de l’éducation et autres maladies sociales aliénantes.
Le coffret offre d’abord un texte de Marie de Gournay sur l’égalité des hommes et des femmes au XVIIe siècle ; l’auteure fonde son discours sur les thèses de penseurs tels que Platon, Plutarque, Sénèque. Suit un Jonathan Swift qui, en 1729, proposait une curieuse solution à l’explosion démographique des classes pauvres : la suppression pure et simple des enfants des classes défavorisées, leur évitant ainsi un atroce destin ! Sombre ironie ou exemple d’utopie sociale ? Encore fallait-il y penser ! Un peu plus tard, en 1763, Voltaire porte un dur coup au phénomène religieux, à ses louches intrications avec le politique. À l’approche des « Temps modernes », presque cent ans plus tard, voilà Henry David Thoreau qui parle de « désobéissance civile » ; pour ce dernier, un bon gouvernement sera celui qui imposera le moins possible d’entraves à la conscience individuelle.
Vient ensuite Paul Lafargue et son « Droit à la paresse » publié à la fin du XIXe siècle, diatribe contre les séquelles physiques et intellectuelles provoquées par le « Dogme du travail » propre à la société capitaliste où le Droit au travail n’est que le Droit à la misère… Plus tard, en 1945, Benjamin Péret soutient que le poète se doit de lutter contre toutes formes d’oppression. Et, plus près de nous — en 1966 — précédant les événements de Mai 1968, c’est l’Internationale situationniste qui exprime l’ultime « critique » de l’aliénation : la mise en cause de la société dite « bourgeoise » passe par le biais d’une critique acérée de son système d’éducation. Le texte de Raoul Vaneigem — anciennement de l’Internationale situationniste — est le dernier en date dans le choix retenu par Olivier Rubinstein ; il fait pour la fin du XXe siècle le même procès de la « société marchande » et de ses multiples aliénations. Voilà pour ce bref tour d’horizon.
Les éditions Mille et une nuits offrent donc ici de petits ouvrages pertinents qui présentent des lectures intelligentes et accessibles de l’évolution de nos sociétés. Ils font découvrir ou incitent à approfondir des auteurs ou des courants d’idées très critiques de la civilisation occidentale.