La mort du metteur en scène Jean-Pierre Ronfard en septembre 2003 a peiné le Québec, tout spécialement l’équipe du Nouveau Théâtre expérimental, théâtre qu’il a créé avec d’autres en 1975. Juste avant son décès, le célèbre homme de théâtre travaillait à un projet avec l’auteure Evelyne de la Chenelière, projet qu’il n’a jamais pu terminer. L’entreprise, d’abord intitulée Aphrodite en 04, n’a pourtant pas été abandonnée. Devenue Désordre public, la pièce de théâtre a été jouée un mois seulement, en janvier 2004. Heureusement pour ceux qui n’ont pu y assister, les éditions Fides ont publié le texte dans un recueil intitulé Désordre public.
La pièce met en scène Max, un acteur au chômage incapable de compassion, qui est soudainement « victime » d’un don : il entend penser les gens qui l’entourent. L’humanité se révèle alors à lui à travers divers usagers des transports en commun. L’auteure profite de ces lieux (autobus, métro) propices à l’introspection pour philosopher sur les relations humaines, plus spécifiquement sur les antagonismes amour/haine, admiration/jalousie, sociabilité/individualisme. L’écriture franche, intelligente et bien rythmée d’Evelyne de la Chenelière donne à ces idées une profondeur intéressante.
Cette édition de Désordre public permet aux lecteurs de découvrir la démarche de l’auteure. Puisque le projet est basé sur l’urgence de la création et la désacralisation de l’écriture, le texte a subi de nombreuses modifications de représentation en représentation. Ces modifications sont clairement indiquées par des dates et des symboles dans les marges du livre. Bien que parfois chaotique, cette mise en forme représente bien le côté expérimental d’une facette habituellement inaccessible aux spectateurs : la production. Quelques échanges entre l’auteure et les acteurs s’ajoutent en complément à la fin du livre.
Le recueil inclut également le texte d’une autre pièce de théâtre écrite par Evelyne de la Chenelière intitulée Nicht retour, Mademoiselle, histoire pleine de nostalgie et d’émotions d’un homme d’affaires en voyage vers son passé. L’œuvre offre aux lecteurs deux versions de la pièce grâce aux mêmes types de symboles présents dans Désordre public.