Ceux et celles qui connaissent les travaux de Guy Corneau et de Michel Dorais apprécieront l’ouvrage, basé sur 20 ans de recherches, du professeur et psychologue clinicien William Pollack, codirecteur du Center for Men au McLean Hospital du Harvard Medical School. Alors que les mouvements féministes ont élaboré de multiples stratégies pour redéfinir le rôle et les positions réelle et symbolique de la femme dans la société, nous semblons plus que jamais démunis face à la crise que vivent aujourd’hui nos garçons. Pire : nous feignons de l’ignorer, alors que nous savons très bien – le taux de suicide chez eux est alarmant – ils souffrent des stéréotypes tenaces que nous continuons bêtement à maintenir pour sauver le Code masculin. Comme si cela n’était pas suffisant, les frères d’Ophélie, comme de raison confus, doivent en outre composer avec les images de l’homme nouveau, respectueux de la nouvelle donne établie depuis que les femmes ont commencé à déplacer le phallocentrisme. Rien de bien surprenant à ce que les dehors de force et de virilité cachent en fait une profonde souffrance, un isolement parfois dévastateur.
Ce livre, serein, n’est pas un simple cri d’alarme. L’auteur cherche à comprendre ce qu’il appelle la « nature fondamentale » des garçons (en versant dans une sorte d’essentialisme discutable) pour voir en quoi ils se rapprochent et se distinguent des filles et surtout pour essayer de préciser à quoi nous devons et pouvons nous attendre d’eux dans les sports, à l’école, avec leurs amis, dans leur famille, lorsqu’ils sont petits, adolescents ou jeunes adultes. Comment vivent-ils la violence ou des traumatismes comme le divorce de leurs parents ? À partir des réponses fournies, il s’agit ensuite de trouver des moyens concrets pour aider ces jeunes en mal d’eux-mêmes. William Pollack propose le concept de « connexion avec soi », un outil permettant de reprendre contact avec ses émotions afin de les vivre pour ce qu’elles sont sans les refouler ou les sublimer négativement dans le drame existentiel. C’est ainsi que nos hommes, si nous devenons un peu plus intelligents (le sort de nos écosystèmes me laisse perplexe, le mégacapitalisme continuant de détruire à grande échelle), pourraient devenir moins violents et plus heureux.