Les éditeurs qui se spécialisent dans la publication de récits de voyage ne sont pas légion au Québec. L’un d’entre eux, Bertrand Dumont éditeur, mérite certainement d’être signalé à cet égard, avec un catalogue qui compte déjà une douzaine de récits de voyage publiés dans la collection « Les calepins des aventuriers ». Un des derniers ouvrages parus dans cette collection pourrait toutefois laisser perplexes certains amateurs de ce genre de littérature. Regroupant des récits « basés sur des faits vécus bien que caricaturaux, un ‘tantinet’ exagérés, et mêlés à une ‘touche’ de fiction », De Terre-Neuve à la Terre de Feu se limite généralement à rapporter certaines activités quotidiennes du voyageur ou quelques situations anecdotiques et comiques sans offrir de réelles réflexions sur la rencontre de l’Autre et de la différence inhérente aux lieux visités (Terre-Neuve, Guatemala, Nicaragua, Costa Rica, Panama, Équateur, Pérou, Bolivie, etc.). On le sait, les voyages nous exposent bien souvent à des situations déstabilisantes, voire déconcertantes. Et l’humour et l’imaginaire constituent sans doute de bons moyens pour rendre compte du choc des cultures. Mais ici, ils ne semblent pas soutenir un projet de représentation précis et efficace. Ainsi, les mSurs et les conditions d’hygiène différentes de certaines régions d’Amérique du Sud peuvent donner lieu à un humour un peu gratuit, alors qu’elles auraient pu servir à remettre en question nos standards occidentaux et nos réactions par rapport à cette différence. Au demeurant, l’intérêt des récits de voyage consiste généralement à prendre du recul à l’égard d’acquis culturels, voire à se désaliéner d’une façon ethnocentrée de se voir soi-même. Ici, toutefois, l’imaginaire de l’auteur et les situations cocasses qu’il met en scène n’aboutissent pas vraiment à cette remise en question de soi qui faisait dire à Nicolas Bouvier : « Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi ». Par ailleurs, compte tenu de l’approche adoptée par l’auteur, on peut comprendre que l’information au sujet de certains lieux visités soit parfois succincte. On s’étonnera toutefois à l’occasion de quelques imprécisions et propos réducteurs. Par exemple le lecteur apprendra qu’en Équateur la ville de Quito « n’a pas grand-chose à offrir côté touristique, outre une statue décapitée d’un ancien dictateur et un musée de macramés ». Pourtant la simple consultation d’un guide de voyage au sujet de la « flamboyante capitale coloniale » incite à penser le contraire : « La capitale de l’Équateur, l’une des plus belles villes d’Amérique latine, [ ] abrite des trésors d’architecture coloniale », peut-on lire dans le Lonely Planet. Cela dit, souhaitons tout de même que plusieurs autres titres s’ajoutent à la collection des « Calepins des aventuriers » car les voyageurs ont encore aujourd’hui beaucoup à nous apprendre sur l’altérité et sur nous-mêmes.
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