Un même fil conducteur traverse le recueil d’essais de Monique LaRue : le désir d’interroger plus à fond ce qui l’interpelle, autant dans sa vie professionnelle qu’à titre de romancière ou de citoyenne. Désir de comprendre, de partager, d’aller au delà du consensus social, des idées arrêtées, ou de ce qu’il fait bon de penser. « Il est rare que je refuse de répondre à une question, à une invitation, à un débat, écrit la romancière en introduction. Répondre est, pour moi, un autre mot pour le métier d’écrire. » Et qui dit métier, dit l’absolue nécessité d’éviter toute posture intellectuelle. Ce à quoi nous convie Monique LaRue dans De fil en aiguille.
Les premiers textes abordent la question de la langue, premier et seul véritable matériau de l’écrivain. « Un écrivain n’est pas un auteur, rappelle Monique LaRue. Un écrivain est une écriture. » Et lorsque cette écriture se donne à lire en français dans l’espace et le contexte nord-américains qui sont les nôtres, écrire devient synonyme de résistance. « Dans le contexte de la world literature, inscrire un projet artistique au cœur d’une société devient en effet une forme de résistance parce qu’un roman localisé, un art du roman conçu comme instrument d’observation, de diagnostic, comme prisme révélateur d’une société donnée, pourra être vu ou étiqueté, péjorativement, comme local, provincial, régional. Le champ du langage est un espace polémique. »
Polémique il l’est à plus d’un égard et Monique LaRue ne cherche pas tant à prendre parti qu’à retrouver, voire à identifier ce qui pour elle fait sens dans les débats auxquels elle accepte de participer. À cet égard, sa participation, parce qu’elle repose sur un questionnement philosophique, cherche davantage à mettre en lumière les fondements – ou l’absence de fondements – qui prévalent aux questions qui l’interpellent qu’à joindre les rangs d’un groupe plutôt qu’un autre. En cela, elle épouse la position qui la résume peut-être la mieux, celle de la romancière. « Le roman n’est pas un genre pur, non ; le roman est un genre libre. C’est le genre de liberté et le lieu des esprits libres. » Et lorsque la romancière fait également métier d’enseigner la littérature, toute question liée de près ou de loin à la transmission d’une pensée et d’une culture nourrit ses interrogations.
Plusieurs textes font également écho aux lectures qui ont marqué le cheminement intellectuel et littéraire de Monique LaRue. D’autres évoquent des souvenirs et des expériences de voyage qui permettent, tantôt par analogie, tantôt par contraste, de prolonger la réflexion amorcée par la distanciation qui s’opère. De fil en aiguille esquisse la courbe d’une pensée sans cesse à l’affût d’explications, de compréhension, qui nourrit à son tour notre propre réflexion.