Pionnier du cinéma québécois, l’abbé Maurice Proulx (1902-1988) a indéniablement contribué à façonner l’image du Québec au milieu du XXe siècle – pour le meilleur ou pour le pire. Il est l’un des rares réalisateurs de documentaires à avoir été actif au Canada avant les années 1950. En outre, l’abbé Proulx a mené toute sa carrière hors de l’influence de l’Office national du film du Canada (l’ONF), ce qui était assez exceptionnel pour l’époque. Certains de ses documentaires se voulaient emblématiques et donnaient une vision idéalisée de la colonisation en Abitibi, comme En pays neufs (1937) et Sainte-Anne-de-Roquemaure (1942). On pouvait d’ailleurs voir des extraits de ces films apologétiques dans l’exposition Mémoires au Musée de la civilisation. La présente monographie de Marc-André Robert n’est pas la première à être consacrée au personnage : Antoine Pelletier avait produit en 1978 le Catalogue de la collection Maurice Proulx (Direction générale du cinéma et de l’audiovisuel).
L’analyse contenue dans ce livre est plus historique et thématique, et moins sociologique et encore moins esthétique. On y apprend certains faits nouveaux : par exemple, en dépit de sa relation privilégiée avec Maurice Duplessis durant une vingtaine d’années, l’abbé Proulx était plutôt « de conviction politique libérale ». Et pourtant, l’humble cinéaste a été délaissé par les libéraux dès le changement de pouvoir au gouvernement provincial, à partir de 1960, et ses films magnifiant la ruralité ont rapidement été accusés de promouvoir une image passéiste du Québec, que l’on voyait alors entrer dans la modernité.
La conclusion de l’ouvrage reste nuancée et vient contredire ce que certains historiens avaient affirmé péremptoirement à propos de cette vision traditionaliste du Québec véhiculée dans les documentaires de l’abbé Proulx : en fait, ce ne sont pas ses films en soi qui constituaient une forme de propagande, mais plutôt l’usage politique qui en était fait par les autorités du gouvernement unioniste. Ce premier livre de Marc-André Robert n’apprendra rien aux historiens du cinéma, mais il pourra profiter aux jeunes chercheurs ayant un intérêt pour l’époque duplessiste.