Dans le livre qu’elle publiait en 1999, Quelques-uns, Camille Laurens se penchait sur le sens de mots simples, utiles, de mots fourre-tout. Dans son dernier roman, le projet n’est pas si différent : « Ce serait un livre sur les hommes, sur l’amour des hommes : objets aimés, sujets aimants, ils formeraient l’objet et le sujet du livre. » Fidèle à son intention, l’auteure pose sur le sexe opposé un regard de femme amoureuse et écrit un très beau livre sur les hommes : sur l’amour qu’elle leur porte, sur l’amour qu’ils lui rendent, l’amour qu’ils inspirent, l’amour absent Tous y passent : le père, le grand-père, le mari, le frère, le premier amour, l’éditeur, le lecteur, l’amant et bien d’autres encore. Loin du discours accusateur et revendicateur de la littérature féministe, le dernier-né de Camille Laurens n’est pour autant ni complaisant, ni truffé de bons sentiments.
Véritable sémiologie de l’âme et du corps masculins, Dans ces bras-là fait non pas l’apologie de l’homme mais plutôt l’éloge de la différence, de l’altérité. Car ce que Camille Laurens dévoile, c’est l’autre monde, celui que la femme n’a jamais fini de découvrir. Elle y fait plusieurs constats : « Que l’homme écoute la radio beaucoup plus fort que nous. Qu’il claque les portes [ ] Qu’il répugne à montrer ses émotions [ ] Qu’il a peur de ne pas bander. » En fait, bien des pages regorgent d’évidences qu’on se plaît à se dire entre femmes et qu’on prend tout autant plaisir à lire !
Dans ces bras-là est un roman qu’on déguste avec lenteur. Cette prose juste et souple qui nous ravit et cette lucidité bienveillante ne sont pas sans rappeler avec bonheur celles de Christian Bobin. Avec Camille Laurens, on se souvient des grandeurs et des misères des hommes et notamment « que la sensi-bilité est la part la plus verrouillée d’un homme ».