Verena Stefan – auteure féministe de langue allemande – vit à Montréal depuis une dizaine d’années. Née en 1947 à Berne (Suisse), elle publie en 1975 son premier roman, Mues, best-seller traduit en huit langues. Plus de trente ans plus tard, son sixième livre, D’ailleurs, est le premier à paraître en terre québécoise.
Lequel du choc culturel ou du choc amoureux a précédé l’autre ? Le dépaysement est brutal, ne l’est-il pas toujours ? « Les étrangers immigrent les yeux fermés dans un pays. » À son arrivée, dans la jeune cinquantaine, il lui faut apprivoiser son amoureuse Lou et une nouvelle patrie. Outre son allemand natal, elle choisit de se mettre en oreilles et en bouche les deux langues de Montréal, le français et l’anglais. « Une immigrante n’est ni voyageuse ni invitée. Le corps le sait. »
Une autre surprise, une autre adaptation l’attend et pas des moindres. Un corps étranger se développe dans son propre corps, à son insu, contre elle-même. Son corps la trahit. « C’est un cancer. Cette fois, la langue étrangère ne crée pas de distance protectrice, la phrase pénètre en plein cœur. Il s’arrête. » Avec beaucoup de sensibilité, Verena Stefan raconte ses histoires entremêlées avec leurs divers et difficiles niveaux de douleur.
D’ailleurs vogue au gré des saisons et de la nature québécoise. « Entre les lacs, il y a des forêts, ça, c’est mon pays. » Pour mieux affronter sa triple souffrance, l’auteure se tourne vers ses souvenirs d’enfance et tente de cerner la complexe réalité de son père, lui-même immigrant. « Tu as grandi avec un père dépaysé. Aussitôt qu’il ouvre la bouche, il se fait remarquer. »
Verena Stefan réussit à transposer sa vulnérabilité d’amoureuse, d’immigrante et de malade effondrée en un exercice cathartique d’une grande douceur. Même si le style est parfois plus alambiqué que fluide et la juxtaposition de trois langues souvent bizarre, D’ailleurs s’impose comme un témoignage de notre fascinante force vitale, au-delà de notre « insoutenable légèreté ».