FINALISTE AU PRIX LITTÉRAIRE DES COLLÉGIENS 2017
On le dit auteur majeur de l’avant-garde de la BD québécoise ; il s’adonne à la musique électronique comme compositeur et interprète ; et encore, de 2006 à 2012 David Turgeon a publié trois essais puis, en 2012, paraît son premier roman, amorce d’une trilogie consacrée au livre et au milieu littéraire, trilogie qu’achève Le continent de plastique, son plus récent roman.
Le narrateur sans nom – appelons-le JE –, brillant docteur en littérature des plus remarqués à la faculté et louangé pour sa thèse sur Raymond Loquès (personnage d’écrivain du roman précédent, La revanche de l’écrivain fantôme), consent à un emploi temporaire, en attendant de donner sa pleine mesure. Une entrevue et le voilà embauché comme assistant, correcteur et secrétaire d’un écrivain réputé, de ceux que l’on lit dans les écoles, étudie dans les universités et que l’on invite dans les colloques et les médias. Poste d’observation qui permet à JE d’assister, voire de participer à toutes les étapes, de la naissance à la publication et au lancement des œuvres du maître, et de côtoyer ses relations. Avec détachement, il dit sans dire, banalisant le travail du maître, insinuant la mesquinerie de l’éditeur, montre l’aspect mondain des lancements et vernissages, ou bien il lance, ici et là sans trop s’attarder, ses fléchettes empoisonnées, visant par exemple « ces larbins qui se donnent le nom de journaliste », ces « plumitifs en mal de désenchantement » ou « ce hobby pour privilégiés » qu’est l’écriture…
Des histoires d’amour traversent le roman, mais le véritable sujet en est le milieu littéraire. Le brillant avenir auquel était promis JE pâlit, alors qu’il porte un regard acerbe sur les acteurs, petits et grands, qui font la littérature, qui en parlent ou qui en vivent. Les bribes narratives jointes aux considérations sur le monde littéraire composent le roman comme les fragments qui s’agglutinent pour former le continent de plastique. Bien plus, à la lumière de la prise de conscience de JE lors d’une discussion avec son ami Paul – « l’accumulation des livres, des manuscrits, de l’écrit en général […] formant […] des vortex si denses qu’ils décim[ent] sous eux toute forme de vie » –, nous pourrions avancer que le titre évoque métaphoriquement une masse d’écrits polluante.
Un style précieux contribue à la tonalité ironique. Inventions lexicales, « obliqua stochastiquement », « ascendîmes au dernier étage » ; mots rares, « un chouïa plus âgée que moi », «afin qu’elle renouvelle fissa sa garde-robe » ; emploi excessif du subjonctif imparfait et tournures syntaxiques d’une autre époque, « un ami sien », « m’intima de n’y aucunement répondre ». Un style maniéré, rare, qui dans le contexte concourt efficacement à la caricature.
Le continent de plastique, un bouillon de considérations propice à la réflexion sur ce qu’est ou n’est pas la littérature et sur les différents métiers qui s’y rapportent. Quoi que pense le narrateur du bien-fondé des prix littéraires, soulignons que le roman a été retenu parmi les cinq œuvres finalistes au Prix littéraire des collégiens.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...