Les Contes du temps qui passe se lisent lentement, la magie des nouvelles opérant dans les détails de leur récit et dans les gestes de leurs personnages. Il faut laisser aux mots le temps de résonner. Alors, l’écriture de Véronique Bessens, dans sa simplicité, démontre son efficacité. « Des tuiles et des roses », avant-dernière nouvelle du recueil, a d’ailleurs valu à son auteure le Prix du jeune écrivain francophone 2004.
Chaque nouvelle est une rencontre avec des personnages se trouvant face au monde dont ils se jugent eux-mêmes en marge, mais dont ils sentent l’appel et qu’ils tentent de rejoindre, malgré les risques, pour les chances qu’il offre. Un garçon interné et un vieillard infantilisé en maison de retraite se voient dépouillés à cause de leur âge de toute défense. Leur ultime tentative pour participer à la vie est leur refus de se faire prendre en charge, leur entêtement à respecter leur intégrité. Une mère endeuillée subit la violence de l’absence, une veuve, sa mémoire. Des génies inutiles cultivent leurs dons qui ne servent ni de près ni de loin les objectifs de productivité et de rentabilité.
L’écriture de Bessens rend palpable la fragilité des êtres blessés et oubliés. Surtout quand elle explore le genre du conte, l’auteure délaisse le souci de vraisemblance pour incarner avec humour l’absurdité ou l’inoffensive folie. Ouverts au jeu ou épuisés par leurs efforts pour jouer, en dépit de leur lourde solitude, les personnages des Contes du temps qui passe recherchent la beauté. Aussi, l’auteure n’hésite pas à employer dans la narration comptines ou chansons, rimes. Lunatiques, lucides, cyniques ou enfants de tous âges aspirent encore au rêve.