Sans être un polar, ce livre de Sarah Vajda s’en rapproche par son sujet : Sylvie Vannier, une enseignante de 41 ans, se jette sous les roues d’un train de la SNCF. Sa rupture avec son jeune amant et élève, Alexandre-Diego Garcia, l’a anéantie. Autour de cette mort vont graviter les existences suspendues de trois hommes. Lucien Journot, le mécanicien devenu meurtrier par accident, se prend pour l’amoureux éconduit de la défunte, au point d’oublier qu’il n’a jamais connu Sylvie de son vivant. Louis Vannier, alias « Petit-Louis », est le père de la disparue. Il représente une touchante figure d’homme simple et de raté, un pauvre bougre qui constate seulement maintenant, au soir de sa vie, alors que la fille qu’il vénérait secrètement vient de lui être ravie, qu’il a toujours étouffé son être véritable. Enfin, l’empathique commissaire Jean Salan, dont la mère, une belle Algéroise, s’est suicidée du temps qu’il était enfant, enquête sur la mort de Sylvie Vannier tout en restant sensible à la détresse de Journot. La densité d’écriture et la finesse de composition dont fait preuve Sarah Vajda dans ce roman – son deuxième, après Amnésie, lui aussi paru aux éditions du Rocher – font penser aux romans de Guy Dupré dans la façon dont sont développés, sans nostalgie, les thèmes de l’impuissance à oublier et de l’impossibilité de faire disparaître le passé. En plus d’être une biographe estimée – son Maurice Barrès (« Grandes biographies », Flammarion, 2000) lui a valu le prix Charles Oulmont de l’essai, Fondation de France -, Vajda possède d’évidentes qualités de romancière. Dépeignant, sur fond de deuils et d’espoirs brisés, les ravages de l’amour qui constitue la contamination à laquelle le titre du livre fait référence, l’auteure conduit son récit de main experte, entraînant irrésistiblement le lecteur à sa suite. S’en dégage un récit trouble et haletant, d’une cadence proche de celle de la nouvelle. Un acmé dramatique est en effet atteint au chapitre conclusif « Satori à Manchester », dans lequel l’auteure relate un songe éveillé sur les traces de Ian Curtis, le regretté chanteur du groupe anglais Joy Division, qui s’est suicidé par pendaison à 24 ans en 1980. Contamination « contamine » gentiment ; il donne envie de lire les prochains textes de cette auteure.
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