Le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle connaît une popularité sans précédent depuis les années 1990. En témoigne tout particulièrement le nombre de mises en récit de cette marche pèlerine. Avec la fin du XXe siècle, en effet, voit le jour une nouvelle pratique d’écriture à laquelle s’adonnent, bien souvent en dilettante, des pèlerins qui souhaitent témoigner de leur expérience. De 1997 à 2010, près d’une trentaine de récits de pèlerins québécois ont été édités. Le dernier à paraître, Compostelle, le chemin de la sérénité, se distingue et se rapproche à la fois de la plupart de ces récits. D’une part, on n’y retrouve pas, comme dans certains ouvrages précédents, l’approche du guide qui entend fournir aux futurs pèlerins de multiples informations et recommandations d’usage (distances à parcourir, équipement à prévoir, etc.) pour bien réussir leur pèlerinage. On n’y retrouve pas vraiment non plus la perspective culturelle consistant à rappeler les légendes et à décrire les vestiges historiques et religieux qui jalonnent le Chemin, ni le discours critique, voire iconoclaste, au sujet de cette voie sacrée et millénaire qui aurait perdu un peu de sa mysticité. En revanche, l’auteur ne manque pas de relater les événements et de décrire les paysages qui marquent son quotidien sur le Chemin, le tout accompagné de quelques réflexions et impressions personnelles suscitées par cette expérience de marche intensive. Dans une certaine mesure, c’est à une « marche de santé de l’âme » qu’il nous convie, à « une profitable leçon d’adaptabilité » sur un « chemin expurgé de toute autre forme d’obligation que celle de savourer le moment présent ». Il s’agit de retrouver un paradis perdu non pas tant dans un lieu physique proprement dit, mais plutôt à l’aide d’un état de conscience qui exige de cultiver « le jardin des pensées positives » et « ces petits instants qui, au cœur de la routine, font fleurir ce privilège incomparable de se sentir vivant ».
Le tombeau de saint Jacques est peut-être vide, comme le laissent entendre certains théologiens, mais qu’à cela ne tienne, chaque pèlerin est appelé à le remplir à sa façon. Celle d’André Raymond consiste manifestement à tabler sur une bonne humeur indéfectible quels que soient les aléas du Chemin. Son récit aborde peu la portée culturelle, historique et légendaire du Camino pour se centrer plutôt sur la quête de sérénité du pèlerin qui le parcourt. « Et moi, que rapporterai-je du Champ des Étoiles ? J’en ai une bonne idée… quelque chose comme sourire à la vie sous toutes ses formes. » Bien qu’un peu répétitif par moments, le propos de Raymond ne manque pas de subtilité et d’humour et donne parfois lieu à des images aussi évocatrices que pittoresques.