Chasing Mammon, la version originale de Combien ?, a d’abord été publiée à Londres, en 1992. Il aura donc fallu attendre pas moins de vingt ans avant que paraisse la traduction française. Pourtant, cet ouvrage est toujours d’actualité. Douglas Kennedy ne se trompe pas lorsqu’il écrit : « Oui, Balzac avait raison : considérez n’importe quel couple marié, n’importe quelle famille, et la plupart des drames que vous découvrirez auront pour ressort l’appât du gain, la soif de s’enrichir ».
Au moment où il a écrit Chasing Mammon, Kennedy n’était pas encore le romancier à succès qu’il est devenu. Il était sans le sou et ne s’y connaissait pas en investissements et en marchés des actions. Mais il était curieux à propos de l’argent et de la richesse et déjà fin observateur des pulsions humaines. Les informations qui ont servi de matière première à son essai proviennent d’interviews menées avec des traders de diverses places boursières dans le monde. Des marchés financiers aussi disparates que Wall Street et la Bourse de Casablanca, que Singapour et Sydney, que la City de Londres et la nouvelle Bourse de Budapest, celle-ci à peine ressuscitée des cendres du communisme.
Partout, il a été témoin de l’importance accordée à l’argent. La plupart de ses interlocuteurs se targuaient de gagner des revenus élevés aussi rapidement que facilement. Ils n’hésitaient pas à raconter ce que l’argent avait apporté dans leur vie. Mais, parfois, ils parlaient également du prix à payer, du revers de la médaille. Ces confidences amènent l’auteur à affirmer ceci : « L’argent nous définit. L’argent nous tente et nous effraie. L’argent trouble notre sommeil mais nous fait aussi bondir hors du lit chaque matin. L’argent crée la pagaille […] mais qu’y a-t-il de plus passionnant que l’immense pagaille humaine ? »
Il faut souligner le portrait, fait par Douglas Kennedy, d’un trader de Londres qui, après avoir trôné parmi les meilleurs de la City, a tout perdu. Du jour au lendemain, envolés les revenus mirobolants, la résidence somptueuse, la conjointe et les enfants. Il est intéressant de constater que c’est un thème qui va revenir à plusieurs reprises dans les romans de Kennedy, celui de l’homme ayant connu richesse et succès, et se voyant soudainement tout retirer par un caprice du destin.