Qui s’attend à ce que l’écrivain corresponde à celui qu’il prétend être dans ses livres ? Michel del Castillo, dérangé par l’écart entre fiction et réalité, nous dévoile donc le « vrai » visage de Colette. Qui se cache derrière cette plume qui exalte la beauté, la sensualité, un art de vivre français ? Avis à ceux qui sont épris du personnage de Colette : les révélations de del Castillo, appuyées par des extraits de correspondance privée, risquent de précipiter leur idole en bas de son piédestal. À moins qu’ils ne se résignent à considérer l’œuvre et la femme comme deux entités distinctes…
Couronné du Prix Femina de l’essai l’automne dernier, Colette, une certaine France ressemble plutôt à une biographie (partielle) qu’à un essai ; il y est surtout question de la vie de Colette. Qu’y apprend-on au juste ? On croyait Colette en adoration devant sa mère, la célèbre Sido ? On découvre qu’elle tenait à distance une femme possessive de ses enfants. On la sentait fière de la beauté sauvage de sa fille ? On apprend qu’elle l’abandonnait pendant de longs mois aux mains d’une nourrice acariâtre. On l’imaginait en Claudine victime du vicieux Willy ? On réalise qu’elle a savamment profité de la publicité de leur mode de vie scandaleux. Bref, cette Colette dont nous sommes entichés, celle qui nous fait rêver, était égoïste, vaniteuse, avare. Elle peaufinait son image comme un livre pour que celle-ci lui permette de vivre, et lui survive (mission accomplie).
On peut comprendre que l’auteur ait voulu réhabiliter ceux dont le portrait a été déformé par Colette (Willy serait celui qui écope le plus), mais on doit considérer que cette entreprise de démasquage se fait dans l’ombre de la fille de Colette, très bonne amie de l’auteur. Aurait-il voulu « venger » la vie d’une femme malmenée par la gloire de sa mère en montrant Colette sous son « vrai » jour ? Soulignons quand même la documentation abondante.