Leo Basilius a fait sa réputation sur la scène littéraire internationale grâce à sa série de polars. Son héros, le sergent-détective Vass Levonian, a même pris, sur tous les écrans du monde, les traits d’un célèbre acteur hollywoodien. À l’aube de la soixantaine, Leo Basilius a tout. Mais voilà, il n’en peut plus de ressentir une terrible insatisfaction : celle d’être considéré comme un auteur de sous-littérature. Sur un coup de tête, il convainc sa femme et quitte tout pour un temps afin de s’installer sur cette île grecque où, dans sa jeunesse, il avait cru trouver le paradis. Un paradis qui lui permettra enfin d’écrire le chef-d’œuvre sur la beauté du monde, loin des horreurs qui peuplent ses polars, dont il rêve depuis longtemps et qui lui assurera reconnaissance et postérité.
Tout semble se liguer pour que son projet échoue. Les voisins et les habitants du pays ne cessent de lui raconter des épisodes sombres de leur vie. Sa femme s’ingénie à lui rapporter les histoires scabreuses entendues chez ses nouveaux amis. Et voilà que Leo est hanté par son détective qui lui apparaît à toutes sortes de moments incongrus pour lui reprocher la vie cernée d’ombres et de fantômes qu’il lui a fait mener ! Puis, un jour, une fillette pose une simple question… Dès lors, la quête d’inspiration de Leo Basilius prendra une tournure tout à fait inusitée.
Roman sur la création, Cocorico pose un regard à la fois lucide et ironique sur cet étrange processus de l’écriture. D’où germe une idée ? Comment s’organise l’ébauche d’un récit ? Comment s’incarnent les personnages ? De quelle façon s’imposent-ils à l’esprit du créateur ? L’écrivain peut-il trouver un équilibre hésitant entre sa vie réelle et cet univers parallèle qu’il ne contrôle pas ? Peut-il explorer d’autres dimensions de son talent ou doit-il se confiner à un genre ? Est-il encore possible d’écrire un chef-d’œuvre ? Existe-t-il d’ailleurs des critères indiscutables pouvant déterminer un chef-d’œuvre ?
En une trentaine de très courts chapitres, Pan Bouyoucas expose d’une plume alerte les tourments et les obsessions qui minent son personnage tout au long de ce séjour loin d’être paradisiaque. Au-delà de ce questionnement ludique sur le processus créateur, Cocorico soulève également, l’air de rien, des questions percutantes sur les aléas du tourisme de masse et du progrès économique, sur les clichés qui nous guident et les illusions perdues, sur le regard ambivalent qu’on porte sur les écrivains, sur les relations de couple et la fragilité du désir, etc. On sourit souvent, mais ces scènes parfois un peu loufoques dissimulent une réflexion profonde qui mérite une relecture des quelque 140 pages de cette 17e publication de l’écrivain québécois d’origine grecque.