Le titre de ce roman fait référence à l’insulte qu’ont criée à l’auteur, pendant toute son enfance, des camarades d’école : « Cochon d’Allemand ! » Né au Danemark en 1960 d’une immigrée allemande et d’un riche entrepreneur danois, le jeune Knud fut rapidement l’objet d’une haine irrationnelle, pas seulement de la part des autres enfants, mais de toute la communauté qui composait la petite ville industrielle de Nykøbing. La principale victime fut sans doute sa mère que l’on traitait tout haut de nazie, et ce, jusqu’à son décès survenu dans l’isolement le plus complet. Durant la guerre, elle avait pourtant fait partie de la résistance contre le régime hitlérien, ce qui l’avait obligée à fuir, peu après que l’on ait fait pendre son fiancé. C’était en 1942.
D’un autre côté, il y a le père, un homme droit et taciturne, et sa famille, qui n’a jamais vraiment accepté cette union avec une « ennemie de la nation ». Par clichés successifs, évoqués sans ordre chronologique, l’auteur dépeint la vie de ses parents et grands-parents allemands et danois, qui, chacun, ont vécu la désillusion, la misère, la souffrance. À ces courts récits se mêlent les souvenirs d’enfance de l’écrivain : les embuscades contre sa personne, les fêtes bien allemandes données en son honneur à son anniversaire par une mère entêtée sous les rires des compagnons et des voisins, la rancune de l’enfant contre une mère qui aurait dû se sentir coupable. Le livre devient, au fil des pages, une sorte d’hommage à la disparue, et même un rachat par rapport à la honte que l’auteur a ressentie à son égard, sans que cela ne soit dit explicitement, l’écriture démontrant une grande maîtrise dans l’art des sous-entendus. Sa presque froideur laisse naturellement émerger les émotions des personnages, et celles du lecteur.