Pari tenu et doublement tenu : le personnage du Baron dont Gary souhaitait l’émigration vers d’autres horizons littéraires surgit dans chacun des douze textes de ce recueil et, autre hommage à Gary, les titres des nouvelles parodient ceux de ses livres. Le tour de force sera que Gabrielle Gourdeau, malgré ce jeu-contrainte ou cette contrainte-jeu, conserve la totale liberté qu’on a pris l’habitude d’attendre de sa plume.
Gabrielle Gourdeau poursuit, dans cette performance qui aurait pu n’être que haute voltige, sa tonifiante critique de la bêtise, du snobisme, de la pusillanimité, du carriérisme. Elle décrit avec une si minutieuse méchanceté une certaine aptitude universitaire aux voyages gratos, au droit de cuissage maquillé en évaluation académique et aux insondables incultures qu’on se surprend à penser qu’elle a recouru à de très vivants modèles pour nourrir sa verve. Et, je l’avoue, on aimerait, obéissant sans doute à un voyeurisme méchant, savoir s’il s’agit de nouvelles à clé…
On sous-estimerait Gabrielle Gourdeau si, à force d’apprécier ou de haïr le caractère joyeusement iconoclaste de son écriture, on oubliait d’entendre ce qu’elle a à dire. Car la société qu’elle pourfend mérite de périr sous son ridicule et celle qu’elle imagine ou réhabilite (jusque dans la transcendance des messes célébrées en latin) correspond à la fois à une nécessité et à des vœux qu’on n’osait exprimer.