Alexandre Mc Cabe est le lauréat du prestigieux Prix du récit Radio-Canada 2012. Son premier roman, Chez la reine, constitue une version augmentée des quelques pages soumises à ce concours pancanadien et s’inscrit par bien des aspects au sein d’un courant que d’aucuns nomment au Québec le néo-terroir. Identité, mémoire, passation et mise en valeur de l’espace régional sont quelques-uns des thèmes au centre du projet romanesque de l’auteur.
Alors que Jérémie, son grand-père atteint d’une leucémie, passe ses derniers jours à l’hôpital, le narrateur, à la demande expresse de sa tante surnommée la Reine, se rend à Sainte-Béatrix afin de veiller sur sa maison et son commerce. Ce retour aux sources est l’occasion pour lui de se remémorer les moments heureux de sa jeune existence, qu’il reconstitue par petites touches au cours d’une série de tableaux au réalisme pénétrant. Les événements marquants de l’enfance et de l’adolescence sont passés en revue, des joies renouvelées du temps des fêtes en passant par les joutes oratoires du patriarche à propos de la souveraineté québécoise. La maison de la Reine représente également le centre gravitationnel autour duquel évoluait jadis un microcosme tissé serré. Au cours de ses réminiscences, le narrateur propose une galerie de personnages saillants qui reprennent vie, tel Victor Proteau, ami de la famille, porteur d’une culture humaniste et sorte d’initiateur de l’enfant aux plaisirs de la littérature et de la poésie. Ou l’envoûtante Hélène, nymphette qui l’initie quant à elle à un autre type de volupté.
Mc Cabe met en branle toute une économie romanesque nourrie par la mémoire des lieux revisités. Bien que la conclusion semble se détacher de cette logique, elle contribue toutefois à ramasser le tout en posant l’écriture comme gardienne de la mémoire. Ce faisant et pour reprendre les mots de l’épilogue, l’auteur raconte au final « l’histoire d’un homme et d’un royaume qui cessent de mourir ». L’album souvenir de Mc Cabe présente un univers intime dont les charmes sont assurés par un style classique et lisse, qui accorde cependant une place significative à la langue vernaculaire dans les dialogues. Malgré quelques passages à saveur politique plus appuyés, le tout est d’une fluidité qui fait rarement défaut. Un très bon premier roman et un auteur qui promet.