Un beau jour, alors qu’elle est en train de faire la vaisselle, Danaé songe qu’elle en a assez des tâches domestiques et de sa petite vie étriquée de mère et d’épouse. Sans réfléchir davantage, elle décide de s’accorder quelques semaines de repos à la campagne, histoire de faire le point sans son mari et ses deux filles. Elle retournera dans la région de La Fe, là où, l’été de ses treize ans, elle était allée accomplir, avec ses camarades de classe, des travaux agricoles imposés par les autorités gouvernementales. C’est durant ce séjour aux champs qu’elle avait rencontré son premier amour jamais oublié. Il n’en faudra pas plus pour que le périple de la jeune femme se transforme en un voyage dans le temps qui l’amènera à se retrouver elle-même.
L’écrivaine cubaine Zoé Valdés est jugée persona non grata dans son pays natal depuis qu’elle a fait publier Le néant quotidien chez Actes Sud en 1995. Elle vit dorénavant à Paris. On se doute bien que son exil n’est pas étranger au fait que ses livres sont jugés subversifs à Cuba. Et subversif Cher premier amour l’est doublement : non seulement le roman ironise sur les absurdités et les réalités irritantes de la vie quotidienne sous le régime castriste, mais il montre aussi que même l’amour peut déranger. Cela dit, c’est dans l’écriture même de Valdés que réside tout l’intérêt du roman. L’écrivaine emploie un ton cinglant et drôle tout à la fois ; elle est dotée d’un imaginaire exubérant qui se rapproche du merveilleux et, surtout, elle réussit habilement à orchestrer l’intervention des nombreux narrateurs qui se relaient pour raconter l’histoire de ce fameux été. Pour ses prouesses narratives, pour son récit enlevant, pour son intelligence, pour sa poésie, pour sa plume acérée, Zoé Valdés est une écrivaine à suivre.