Né de parents libanais à Pindorama, dans l’État de São Paulo, Raduan Nassar, après avoir entrepris des études en sciences, décide pour notre bonheur de se consacrer à la littérature et à la philosophie. Au début des années 1960, il écrit son premier conte et voyage au Québec (à Matane !), aux États-Unis et en Allemagne. Il rentre au Brésil après le coup d’État militaire de mars 1964 puis, avec ses frères, fonde en 1967 le Jornal do Bairro. Lecteur assidu du Nouveau Testament et du Coran, Nassar publie des romans (Lavoura arcaica remporte en 1976 les prestigieux prix Coelho Neto et Jabuti) ainsi que des contes, Un verre de colère et La maison de la mémoire ayant été réunis en un seul volume chez Gallimard (1985).
Cheminsréunit cette fois six nouvelles dont une, « Le vieux », avait déjà été retenue dans Des nouvelles du Brésil, 1945-1988 (Métailié, 1998). La première nouvelle du recueil, rédigée au début des années 1960 et demeurée inédite jusqu’en 1994, nous fait suivre le trajet dans la rue d’une fillette va-nu-pieds à travers l’extrême colère du monde. Elle y observe parmi d’autres – plutôt qu’elle ne les y rencontre – le gigantesque pénis d’un cheval, le barbier, l’institutrice folle dona Eudóxia, Zé-la-paille l’idiot invectivant Getúlio Vargas, un ivrogne, la vieille dona Engrácia, l’artisan Tio-Nilo dans sa sellerie et un collégien obscène. Une écriture littérale par laquelle les choses se découvrent telles qu’elles sont pour plonger dans l’insondable immédiat des rapports humains, fous de violence et de chair, ce pour quoi tout la conduit sans qu’elle le sache à contempler dans le petit miroir de son père cocu « son sexe encadré ». Hyperréaliste et minimaliste, l’écriture des autres textes l’est tout autant, comme quand Nassar, dans « Avant l’aube », explore la tragédie d’un couple ou consigne ailleurs l’angoisse et l’amertume d’un vieil homme que personne ne respecte, pas même sa femme. Partout, à chaque tournant de ce livre règne « un climat silencieux d’attente ». Et c’est bien là, en ce suspens, que se dévoile l’extrême folie des êtres, personnage au fond central de ces textes-météorites.