Les Herbes rouges ont eu l’excellente idée de remettre en circulation l’unique recueil de poésie publié par Medjé Vézina, Chaque heure a son visage. Soignée, la réédition corrige, de façon générale, les (rares) erreurs typographiques du texte de 1934 tout en évitant d’en commettre d’autres : il y a eu des précédents moins heureux.
La présentation de Carole David est de bonne venue, dans l’ensemble. Certains y apprécieront le refrain féministe marqué, qui revient dans la brève note biobibliographique terminale. Plus justes apparaîtront à d’autres les remarques formelles qui font ressortir l’essence de l’écriture de Vézina : le recours à la versification conventionnelle, classique, encore courante à l’époque, une « syntaxe [parfois] ampoulée », un « lexique vieillot, recherché », une forte propension à la métaphore, à la personnification et à l’emploi un peu « abusif de l’adjectif ». Il est également vrai que Medjé Vézina, musicienne de formation, compose souvent des poèmes aux allures « d’odes, de chansons, de ballades et de stances », et que ses textes revêtent en même temps les couleurs « de psaumes, d’incantations ou de prières ». Par contre les « références à la nature » ne sont pas, comme telles, suffisantes pour faire d’un poème un texte romantique : le lyrisme, très présent chez Medjé Vézina, nous y mène davantage. Précisons aussi que les quelques « vers libres » du recueil renvoient à la définition bipartite en usage depuis Malherbe jusqu’au symbolisme exclusivement, selon le modèle illustré par La Fontaine dans ses Fables, soit des vers réguliers de mesure différente.
Rapidement, mais avec pertinence, la « Présentation » évoque aussi la fortune de l’œuvre et on ne s’étonne guère de la résistance manifestée en 1934 par certains critiques devant l’impudeur des pulsions amoureuses décrites.
Vivement d’autres rééditions de ce type, avec, si possible, des textes d’accompagnement plus substantiels encore.