L’amitié franco-québécoise a donné, depuis le début des échanges entre ces deux nations, de beaux résultats, tant dans la réalité que dans la fiction. C’est presque dans cette optique – puisqu’on parle ici d’amour et non d’amitié – que se situe Chanson française de Sophie Létourneau, professeure en création littéraire à l’Université Laval : Béatrice Chevreau, jeune enseignante québécoise, tombe amoureuse de Christophe Keller, l’un de ces innombrables Français de Montréal dont le lien avec le pays d’origine s’est effrité. Malheureusement, un malentendu – fatal – a lieu entre eux, et Béatrice fuit la situation en allant enseigner durant une année à Paris, ville où elle tombe cette fois amoureuse de Julien, un autre Français. Mais reste-t-elle encore un brin éprise de Christophe ? Bien sûr que oui.
Ce n’est pas l’histoire qui fait de Chanson française un livre différent des autres : si l’on s’arrête à cet aspect, on peut trouver l’intrigue, bien qu’agréable, relativement prévisible, voire mal agencée par endroits, les (trop ?) nombreuses péripéties surgissant de nulle part et arrivant les unes à la suite des autres sans que le lecteur ait le temps de reprendre son souffle.
C’est plutôt du côté de la forme que ce deuxième livre de Sophie Létourneau se démarque : le narrateur (à moins qu’il ne s’agisse d’une narratrice ?) raconte l’histoire à la deuxième personne du singulier, comme s’il s’adressait directement au personnage de Béatrice, lui faisant le récit de sa propre vie. Original, ce procédé narratif implique implicitement un point de vue, voire un parti pris forcément féminin sur les événements, quitte à sacrifier la perspective des personnages masculins – Christophe, Julien, son ami Jean-Phi. Une subjectivité courageuse, en quelque sorte, de la part de Sophie Létourneau.
Chanson française porte bien son titre : le ton y semble léger et désinvolte, comme dans les chansons françaises des années 1960, celles de Françoise Hardy ou de Barbara. Mais en réalité, les paroles sont cruelles ou tristes, la musique est bien souvent mélancolique, et le propos général sous-jacent plus sérieux que ce que les apparences peuvent laisser croire. À lire en ayant assurément en tête que l’histoire n’est pas toujours une partie de plaisir.