Un roman, écrit par un poète, pouvait-il mieux se présenter que sous la forme de deux textes parallèles, sous l’apparence de caractères typographiques différents (ordinaires et italiques), deux textes poétiques (plus ou moins poétiques ) relatant toujours la même histoire et le même éblouissement du même homme ?
Le premier nous parle de la réalité apparente – les corps nus, les attouchements de la peau des pieds à la tête, les corps perdus l’un dans l’autre et absents –, même s’il s’agit de fictions ; le second, dans une envolée de mots et d’images, évoque la beauté du corps de la femme, la terre et la mer, le sel et le sable, la vase et l’eau, le fleuve et le bleu du ciel, la salive au goût de miel Celui qui écrit ces mots est emporté par eux, y trouve sa jouissance et son éblouissement.
Jean Charlebois aurait pu nous donner plus simplement un recueil de nouvelles, rassemblées autour du même thème : l’acte jouisseur et jouissant entre Louis-Marie et sept femmes différentes – l’une d’elles est même un ange-femme descendu avec lui sur la galerie d’un chalet d’été – ; mais le lecteur aurait sans doute coupé court à sa lecture devant la monotonie d’un texte répétitif.
Les envolées poétiques veulent sans doute donner une autre dimension à la fusion des corps, plus éthérée, mythique, planétaire, en dehors du réel ; d’ailleurs, l’auteur souligne souvent qu’il rêve ! Il sait qu’il y a beaucoup de misères dans le monde, il en connaît les termes, il les a lus, il les énumère vers la fin du volume, mais il ne s’agit que d’une longue énumération, creuse, sans émotions ni compassion ; ce n’est pas son monde à lui. « Moi, je ne te l’ai jamais dit, tu vois, j’ai été correct, mais aujourd’hui, il faut que je te le dise Ça fait quatorze ans que j’ai envie de te bouffer le cul. » Est-ce ainsi que les hommes ressentent l’amour ? L’entreprise du poète, qui veut magnifier l’amour sexuel, est-elle réussie ? Les élans poétiques restent-ils personnels, hermétiques pour ceux qui n’y voient qu’une avalanche de beaux mots ? Je ne sais plus quoi penser et dois attendre que d’autres tirent leur propre conclusion.