De la romancière on ne sait rien d’autre que ce que nous en dit la quatrième de couverture. La Toile n’en dit pas davantage. Y apparaît la photo d’une ravissante blonde, mère de trois enfants, étudiante en sociologie ayant à ce jour écrit des textes spécialisés et prononcé des conférences sur ses thèmes favoris, dont la maternité, la sexualité, la construction de l’identité. Pas réellement d’attentes particulières, donc, en ouvrant ce premier roman. Aussi, quel plaisir de découvrir une voix semblable à nulle autre !
Pourtant, les personnages pourraient se fondre dans notre entourage et leur histoire se comparer à la nôtre. Ce peut être un motif d’intérêt : se regarder vivre, réfléchir à ses choix à travers la mise à plat de vies d’autrui. Mais c’est d’abord l’humanité du propos, la structure même du récit et la finesse du style qui incitent à poursuivre. À défaut du don d’ubiquité, le narrateur se promène d’Angela à Anna, les deux héroïnes nées le même jour. Le chassé-croisé va de leur conception, histoire de les camper dans un milieu donné, jusqu’à leur vieillesse, à toutes les étapes de leur vie. Les deux personnages occupent des espaces géographiques et sociologiques différents, quoique toujours aux Pays-Bas, territoire qui semble si familier à l’auteure que l’on pourrait croire qu’elle en vient. Cette impression émane du naturel avec lequel sont semés ici et là mots néerlandais et faits culturels.
Est-ce leur milieu social qui a modelé Angela et Anna, ou leur caractère respectif qui influe sur leur devenir ? Évidemment, la romancière ne tranche pas, pas plus qu’on ne le ferait dans la vie, devant la complexité des êtres. Avec finesse et intuition, la romancière les regarde aller, elles et leur famille. Pas de jugement, même si Angela, par ses préoccupations écologistes et tiers-mondistes, au premier abord semble attirer davantage la sympathie du narrateur que la spécialiste des césariennes électives qu’est la bourgeoise Anna. Mais en bout de ligne, les deux personnages ont des zones comparables d’ombre et de lumière.
Si par les thèmes abordés dans Ce qui s’endigue on reconnaît la sociologue, la forme elliptique au pouvoir évocateur, le style poétique et sans flaflas d’Annie Cloutier révèlent une écrivaine de grand talent.