Carlos Fuentes a beaucoup voyagé, beaucoup lu, beaucoup vécu, beaucoup aimé, beaucoup écrit, et il nous le dit de A à Z dans son dernier ouvrage auquel il donne la forme d’un abécédaire qui débute avec Amitié et se termine avec Zurich.
Si le procédé formel qui consiste à présenter une série de thèmes hétéroclites en ordre alphabétique peut sembler habile et original, il a pourtant ses limites. À l’intérieur de ce livre hybride qui s’apparente à la fois au journal, à l’essai et à l’éditorial, les transitions ne s’opèrent pas sans heurts : on peut passer d’un ton intimiste à un ton journalistique ou quitter un passage des plus lumineux pour les lieux communs les plus éculés. Certains chapitres semblent trop courts alors que d’autres sèment l’ennui. Par moments le projet de Carlos Fuentes sent à ce point le pensum que le lecteur en arrive à se représenter l’écrivain professionnel agrippé à sa plume et s’astreignant à écrire pour remplir son contrat.
Heureusement que le romancier inspiré en Carlos Fuentes reprend suffisamment le dessus pour réussir à atteindre le lecteur et lui procurer plusieurs moments de bonheur littéraire. Cela se produit en l’occurrence quand l’auteur raconte des épisodes de sa vie ou quand il parle de littérature et des créateurs qu’il affectionne, parmi eux Balzac, Cervantes, Faulkner, Kafka, Shakespeare et Thomas Mann. Par contre, lorsqu’il s’exprime sur la politique, sur l’écologie, sur l’histoire, sur la globalisation, sur le féminisme, il donne l’impression de répéter des opinions déjà souvent entendues. Le résultat de Ce que je crois est donc inégal. Il s’agit certes d’une ode à la culture, au livre et à la démocratie, mais on peut se demander jusqu’à quel point l’ouvrage est essentiel et sa forme épanouie.