En une quarantaine de chapitres qui ont l’allure de séquences, on entre dans un film où l’héroïne se demande pourquoi elle y est et quel rôle elle joue.
Elle s’appelle Lulie, prénom qu’elle n’aime pas. Elle est la dernière d’une famille de six. Son père travaille au dépotoir ; sa mère est fatiguée à temps plein ; le frère-roi, éboueur comme le père, est aigri et imprévisible ; quant à ses deux sœurs, elles essaient de se construire une vie, des amours, un avenir, dans un milieu vide de sentiments et d’opportunités.
Cette famille « semi-pauvre » vient de s’exiler en « semi-campagne », dans ce qui a été le chalet de leurs vacances d’été. C’est une décision prise par le père et que doit subir toute la famille.
La vie en campagne, c’est sensé ressembler à des espaces verts, de l’air pur, des lacs, des rivières, et la liberté. Là où devra vivre Lulie, c’est loin d’être aussi beau.
La maison, c’est n’importe quoi, destiné à devenir un jour quelque chose. Aucune commodité. L’égout déborde et pue. Devant la maison, un « shack » délabré, dont une partie est habitée par des « colons » et l’autre, louée à qui veut payer. Autour, une « swamp » malodorante en guise de verdure.
Le centre d’activités : le lac. On y fait du pédalo, l’été. Quand vient l’hiver, le lac est gelé, terminé ! Lulie a donc tout le temps qu’elle veut pour s’ennuyer. Au printemps, tout ce qui peut contenir de l’eau se transforme en déversoir et inonde le secteur. On s’organise pour vivre comme on peut en attendant que l’eau baisse.
Rien de ce qui entoure Lulie ne ressemble à rien. Il n’y rien à montrer, rien à vanter, aucune fierté à avoir, aucun plaisir à cultiver.
Mais l’espoir est quand même vivant, et il a quatre pattes, du poil et un nom : le Chien, avec un grand « C ». Le Chien, c’est l’ami de Lulie, un autre elle-même, avec lequel elle échange sur tout ce qui se passe ou ne se passe pas autour d’elle. Le procédé permet au lecteur de partager les réflexions de la petite, allant de la pure naïveté à la plus désarmante lucidité.
C’est à travers ces échanges que l’on constate que Lulie est un être de lumière doué d’une imagination fertile, ce qui lui permet de marcher dans la grisaille et de lutter contre l’enfermement que lui réserve le milieu qu’on lui impose.