Dans cet essai brillamment écrit, Andrée Quiviger prend prétexte du fait qu’elle doive délaisser définitivement sa demeure, qu’elle casse maison, pour réfléchir à la filiation, à la maternité, à la place de l’autre dans la vision de soi et du monde et surtout à sa démarche spirituelle. Dans cette œuvre personnelle, qui part de l’expérience intime pour aboutir aux grands textes bibliques, où l’auteure se confie pour mieux étayer ses généreuses convictions, les courts textes qui constituent la réflexion visent à faire du doute une politique d’ouverture à l’autre, véritable fondement, selon Quiviger, de toute entreprise spirituelle. Les souvenirs, les confessions, les paraboles narrées servent à présenter un individu aux prises avec sa foi, qui, refusant les réponses toutes faites des institutions, prend appui sur les textes bibliques pour renforcer ses liens avec le monde et ceux qui l’habitent. Dans un univers où Dieu n’est qu’un fragile souffle, où la liberté et la conscience sont entre les mains humaines, vivre avec les êtres aimés l’expérience du doute et celle du partage constitue l’espoir premier. La rencontre de l’autre, dans cette optique, prend valeur de révélation ; un contact se crée qui régénère, qui permet de participer au souffle de la vie : « Il n’y a pas loin à chercher pour comprendre que l’absolu à portée humaine, ce sont les autres ». Dans un contexte de crispation identitaire et de fanatisme, ce rappel de l’importance du doute et de l’ouverture aux autres est le bienvenu.
Casser maison est un essai dans lequel l’auteure assume pleinement sa subjectivité ; ses fragments épars n’en constituent pas moins une œuvre concertée, vouée à susciter un désir de partage et de rencontre, où le doute participe mieux que la foi aveugle au dépassement et à la rencontre d’autrui. Mère et grand-mère, Pascale Quiviger réfléchit constamment aux legs à laisser en héritage à ses enfants et à la capacité d’émerveillement associée à la découverte d’une communication sincère avec eux ; il en résulte un éloge de la liberté. Vision spirituelle du monde, qui laisse une grande place aux Écritures, et principalement à la tradition juive, Casser maison est un parcours, mais surtout un plaidoyer personnel, intime et convaincant pour la compassion.