« Le récit n’est plus l’écriture d’une aventure, mais l’aventure d’une écriture. » Caprice de la reine, le dernier livre de Jean Echenoz, est une bonne illustration du fameux précepte de Jean Ricardou (1971) pour caractériser la pratique des nouveaux romanciers.
Ce recueil, éclectique sous plusieurs points de vue, regroupe des textes brefs, des versions plus ou moins modifiées de récits publiés dans des périodiques ou dans le cadre de collaborations artistiques. Mais quel est le fil directeur, le principe d’arrimage, l’élément qui permet d’assurer une certaine cohésion dans cette collection d’objets hétéroclites où se côtoient divers lieux, époques, personnages et thématiques ?
La réponse est simple : l’écriture ou, pour ainsi dire, ce que l’on nomme le style… Il s’agit, entre autres, de cette habileté, maintes fois remarquée chez Echenoz, à introduire des ruptures de ton qui entretiennent notre intérêt pour la lecture.
En outre, bien que quelques textes puissent être décrits comme des récits, d’autres seront plus difficiles à définir en raison de l’absence d’intrigue, de personnages ou d’actions. Malgré tout, on y retrouve toujours la touche de l’auteur : un ton distancié, des descriptions très documentées, méticuleuses et détaillées qui retirent son relief à l’écriture (plusieurs y verront une certaine sécheresse), mais où s’insère, à la manière d’un contrepoint discret, un commentaire surprenant ou désinvolte qui rétablit l’équilibre.
En ce qui concerne l’aspect thématique, le recueil rassemble, en vrac, une anecdote sur l’amiral Nelson, un inventaire de ce qu’on peut observer dans un parc, une sorte de descriptif des statues du jardin du Luxembourg, la visite d’Hérodote à Babylone, un ingénieur obsédé par les ponts, une jolie femme sortant d’un sous-marin ainsi qu’une excursion en banlieue de Paris.
S’il fallait résumer l’esprit du livre, on pourrait le comparer non pas à une grande œuvre d’art, car ce n’est pas son ambition, mais plutôt à un cabinet de curiosités. Ce Caprice de la reine, qui semble aussi être celui d’Echenoz, allie, sous forme de miniatures, deux tendances qui paraissent opposées : la fantaisie et un souci d’atteindre la perfection formelle. Ceux qui aiment la signature de l’écrivain, sa virtuosité, y trouveront probablement leur compte.