Les personnages : Silvano et Grace, avec leurs descendants, fuyant les exactions. Le lieu : l’Afrique de l’Ouest, principalement le Ghana et le Togo, mais aussi l’énigmatique Côte d’Ivoire. Pourquoi ces faits posés immédiatement ? Car ce roman envoûtant n’a rien d’une histoire simple à suivre. Écriture elliptique, onirique, distinction brumeuse entre le rêve et la réalité, allusion aux mythes ; le roman n’en décrit pas moins la réalité africaine d’aujourd’hui et de demain.
Composé de courts chapitres qui sont des réflexions sur l’Afrique profonde, réelle, sur l’exil souvent fossoyeur d’espoirs, les enfants de la rue, l’abomination de la politique et ses dérives identitaires, la ruée vers l’argent facile, l’hypocrisie des dirigeants et l’avarice de leurs proches ainsi que la solidarité familiale qui est la seule qui reste, Cantique de l’acaciaest un roman d’une ironie flirtant avec la cruauté, difficile mais prenant.
On reprend ici des passages pas moins que géniaux.
Ainsi une description juste de l’Afrique en mode survivance : « Dans ces quartiers où coulaient à flots la marchandise et l’argent de la marchandise, la frénésie du gain n’ouvrait que trois voies à la jeunesse ambitieuse : voleur, gendarme ou commerçant ».
Sur l’exclusion : « […] on devient cynique et vengeur par sentiment d’exclusion ».
Sur la vie d’aujourd’hui : « La nouvelle ère, l’ère moderne, sera celle de l’homme impatient. Et toute inaptitude à l’impatience sera marque d’une tare ».
Sur la mémoire : « Tout événement vient au monde par deux chemins : le chemin de l’aller qui est celui des faits, et le chemin du retour, où les faits se transforment en récits, chansons, paraboles, blagues, contes, devinettes, proverbes, mythes, prophéties ».
On prend une pause pour absorber le propos, mais on y revient. Sans regret.
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