Le livre de Dominique Bona sur les Claudel frère et sœur rappelle beaucoup le film Camille Claudel de Bruno Nuytten avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu. Ceux qui se souviennent du film auront probablement une impression de déjà-vu à la lecture de cette biographie, du moins jusqu’à ce que survienne la rupture entre Camille et Rodin. L’auteure abordera ensuite les années d’internement, peut-être moins connues des lecteurs. Rappelons que Camille, qui n’accepte pas de partager le maître, initiera une séparation qui lui sera pour ainsi dire fatale. Barricadée dans son atelier, elle se croira l’objet de complots et se coupera du monde. L’artiste travaille mais détruit ses œuvres. Souffrant de problèmes monétaires, elle se néglige de plus en plus jusqu’au jour où deux infirmiers débarquent chez elle pour l’emmener à l’asile. Délire de persécution, démence paranoïde : le diagnostic la condamne à la réclusion perpétuelle ; elle a 48 ans. C’est l’époque où la loi permet d’enfermer les gens contre leur gré et où il n’y a guère de cure pour le mal dont souffre l’artiste. Camille sera plongée dans une immense solitude, sa mère interdisant toute communication avec l’extérieur. En trente ans d’internement, la sculpteure ne recevra que de rares visites ; Madame Claudel ne viendra pas une seule fois.
On peut se demander si le projet de l’auteure, qui était de traiter en parallèle les destins de Camille et de Paul Claudel, réussit tout à fait à convaincre dans la mesure où le réel sujet du livre, c’est bien davantage la sœur que le frère. Malgré son caractère superficiel, l’ouvrage de Dominique Bona a l’originalité de présenter Camille et Paul comme les deux faces d’une même médaille : tout aussi doués l’un que l’autre, ils auront connu des destins opposés. Paul, diplomate, passera sa vie à voyager pendant que Camille croupira dans un hôpital psychiatrique. Elle mourra dans sa prison, tandis que Paul s’éteindra dans son château. Aucun membre de la famille n’assistera aux funérailles de Camille qui aboutira dans une fosse commune, son frère ayant droit, pour sa part, à des obsèques nationales et à une sépulture dans le parc de sa propriété. Paul Claudel conservera toujours un malaise au sujet de sa sœur dont il ne parlera jamais volontiers. Il faudra attendre les générations suivantes pour que Camille sorte de l’oubli.