« Là-dedans, on mange des saucisses et des laitages. Ce n’est pas casher, me dis-je. Comment osent-ils ? Et puis manger là ! Une cafétéria à Auschwitz ! Le monde est un spectacle et l’horreur a ses touristes. » Serge Ouaknine n’est pas un touriste ; c’est un voyageur. Mais ses voyages suivent l’itinéraire singulier de son parcours d’artiste et d’enfant de la diaspora juive.
Né à Rabat au Maroc, Ouaknine poursuit des études en arts décoratifs avant de séjourner deux ans en Pologne où il devient un collaborateur de Jerzy Grotowski, homme de théâtre réputé et avant-gardiste. En
De Jerzy Grotowski, du Maroc, du théâtre, du destin et de l’héritage juifs, il est fortement question dans les douze nouvelles ‘ onze en vérité puisque le premier texte, « La quête du lieu », est davantage une introduction au recueil tout entier. Ouaknine nous invite à le suivre à travers les Amériques, l’Europe, le Moyen-Orient et le Maroc pour revenir, encore et toujours, au Jérusalem biblique ou moderne, réel ou symbolique. Même au cœur de la pampa argentine ou au-dessus du désert californien, le sort d’Israël et de ses enfants marque les pensées du narrateur.
Selon l’heure ou ses goûts, le lecteur appréciera les rencontres fortuites auxquelles nous convie Ouaknine avec quelques-uns de ces êtres anonymes qui nous forcent toutefois à regarder la vie autrement. L’auteur possède une grande qualité : la compassion pour ces personnages aux profondes cicatrices et d’une grande dignité qu’il sait nous faire partager. Dans cette veine, « Une lumière dans la brume », « Bertha de Los Angeles » et le récit-titre, « Café Prague » sont exemplaires. D’autres récits s’apparentent davantage à une observation et à une réflexion sur les lieux visités, s’adressent moins à l’émotion et demandent une lecture plus attentive. Parmi eux, « Les vacances à Auschwitz », « Le silence des portes maghrébines » et « Venise, la lépreuse du temps » sont les plus remarquables.