La paralittérature s’est toujours attiré les foudres de ceux, nombreux, qui, témoignant d’un préjugé défavorable à son endroit, en parlent comme d’une maladie, avec prudence et dégoût, explicites dans cette phrase de Bleton : « Comment peut-on lire des histoires pareilles ? » L’éventuelle valeur (littéraire, entre autres) de ces romans sériels — policiers, idylliques, pornos, etc., — a été maintes fois discutée et mille fois analysée. On s’est également demandé qui les « consommait » avec avidité et fidélité. La perspective critique de Paul Bleton est quant à elle spécifique et bien déterminée : elle interroge davantage l’acte de lecture (sérielle) que l’objet paralittéraire en tant que structure évaluable selon des critères précis. Le chercheur veut ici comprendre ce que l’on entend par « Ça se lit comme un roman policier ». Quel ensemble de « compétences lecturales » est requis dans une pareille dynamique ? De quelle manière, et où, sont acquises ces compétences ? Seront ainsi examinés tous les acteurs aux divers postes de la machinerie paralittéraire : l’auteur, l’éditeur, les tactiques promotionnelles, l’iconographie et les informations paratextuelles de la page frontispice, les stratégies narratives, enfin tout ce qui peut avoir une influence sur l’acheteur (rapport au produit-livre) et la lecture (rapport au texte). Muni d’une compétence manifeste en théorie littéraire, Paul Bleton met en place, avec volubilité et aisance, un vaste champ lexical technique tiré du corpus de Saussure, de Barthes, de Genette, de Pierce et de Eco. Cet arsenal pourrait décourager le lecteur néophyte, mais quelle excellente manière d’apprendre ! L’auteur n’est pas pour autant tombé dans le piège de la schématisation rigoureuse, de la systématisation théorique qui s’éloignent de l’objet qu’elles se proposaient de décrire au départ. La lecture sérielle, avec ses composantes et sa dynamique, demeure au centre du programme discursif de Paul Bleton, qui en établit ici les caractéristiques en se fondant sur l’observation empirique, voire pragmatique du phénomène. Mis à part quelques répétitions et des longueurs (en l’occurrence, un chapitre sur les personnages), l’ouvrage est une belle (dans sa formulation) et pertinente analyse de la lecture paralittéraire.
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