« Tu te penches sur la tombe de ta mère comme une branche. Tes doigts sont des ramilles qui se tendent pour toucher quelque chose, mais il n’y a rien à toucher. Tu as vu trop de films avec des scènes de cimetière, trop de parodies de deuil, quelques vies trop immobiles près de leurs pierres tombales, et tu as l’impression de te livrer, dans son dos, à une contrefaçon de chagrin. » Qui a ressenti cela conviendra qu’Elyse Gasco a réussi à nommer un sentiment trouble avec précision. Précision qui est souvent à l’œuvre dans ce recueil de nouvelles dominées par la figure de la mère : celle qui a mis au monde la narratrice sans reconnaître son enfant, celle de la mère adoptive, et celle que la narratrice sera, deviendra. Ce qui ne va pas de soi (jamais, d’ailleurs), car comment être mère lorsqu’on a été privée de la sienne, abandonnée ?
Bye-Bye, Bébé met en scène un univers oppressant où on peine parfois à respirer. Est-ce parce que la narration, qui a souvent recours au « tu », intensifie l’impression d’enfermement en n’ouvrant jamais sur d’autres vies ? À la longue, on a l’impression que rien n’existe hormis cette femme, sa vie, sa quête. Vie qui, au fil des nouvelles, se télescope dans plusieurs histoires, tourne fatalement autour de ce trou, ce manque : ne pas savoir qui lui a donné la vie.
Ce recueil intense et éclaté, parfois même au bord de la folie, réclame toute notre attention, laisse peu de blancs pour accueillir ce qu’il suscite en nous. Ceux et celles dont la quête identitaire liée à celle des origines obsède avec la même intensité sauront peut-être s’y retrouver plus facilement.