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NUIT BLANCHE

Paul Gadenne est l’un des quelques rares grands écrivains méconnus du XXe siècle qui, avec Emmanuel Bove et Henri Calet, soit récemment parvenu à conquérir un public certain. En effet, depuis les années 1980 où l’on a commencé à la rééditer, l’œuvre de Gadenne a été très chaleureusement reçue tout autant par la critique journalistique que par le milieu universitaire. Les Carnets Paul Gadenne en sont maintenant à leur douzième numéro ; il s’y publie notamment les communications des Séminaires gadenniens, dont le dernier eut lieu en octobre 2000 à l’Université Paris VII. En outre, un ouvrage de Didier Sarrou, Paul Gadenne, le romancier congédié, et La rupture, qui regroupe les carnets intimes tenus par Gadenne entre 1937 et 1940, paraissaient en 1999.

L’ouvrage de Bruno Curatolo, qui participe régulièrement aux Séminaires, jette un éclairage fouillé sur le travail de recherche, par Gadenne, des formes narratives. Avant de devenir romancier, Gadenne soutenait un mémoire brillant, à en juger par les vues pénétrantes que cite Curatolo, sur la construction et le rythme de la phrase chez Proust. Ce qui intéresse particulièrement Gadenne, ce sont les lois psychologiques qui agissent sur la structure formelle et la déterminent. Dès lors, le romancier n’aura de cesse de s’interroger, pour son propre compte, sur les formes narratives eu égard à ce que Curatolo nomme la recherche d’« une éthique du style » : comment créer l’intériorité d’un personnage ? quelle part accorder à la présence de l’auteur dans son texte ? par quels moyens narratifs parvenir à la maîtrise flaubertienne du roman dépouillé, dégagé de toute enflure balzacienne ? Autant de questions exigeantes que Gadenne approfondit à travers son itinéraire romanesque, lequel est ultimement mis au service de la quête spirituelle de l’auteur.

Le travail de Bruno Curatolo, qui a consulté les manuscrits, est non seulement minutieusement documenté, mais en outre il fait valoir tout ensemble l’intérêt de l’œuvre de Gadenne par rapport à des formes romanesques dont il est redevable (Proust, mais aussi Joyce, Gide, Breton ou Luc Dietrich) ou qu’il annonce (les formes du Nouveau Roman).

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