Considéré comme l’un des écrivains les plus importants de la littérature américaine contemporaine, Don DeLillo ne jouit cependant pas de la même popularité que ses compatriotes Russell Banks ou Bret Easton Ellis. Il faut reconnaître que son œuvre fascine autant qu’elle intimide, notamment parce que les romans qui la composent sont la plupart du temps des textes aux intrigues complexes, nouant savamment mythes, fictions et réalité.
Certains inconditionnels des précédents romans de DeLillo seront sans doute déconcertés en découvrant Body art car ce court récit constitue une rupture radicale, tant par sa brièveté que par sa forme et sa thématique. DeLillo nous convie à une douloureuse méditation sur le temps, le corps, le langage et l’absence. Apprenant le suicide de Rey Robles, Lauren Hartke, sa femme, retourne dans la maison que le défunt a quittée avant de se donner la mort. Lauren découvre rapidement qu’elle n’est pas seule, l’endroit étant habité par un être étrange, à limite de la folie ou de l’autisme, incapable, en tout cas, de communiquer. Pourtant, cet homme possède la même voix que son mari et prononce les mêmes mots qu’ils se sont dits naguère. Entre Lauren et lui s’engagent des conversations réduites à des échanges morcelés, à des échos de voix. La parole se heurte d’ailleurs constamment à l’indicible : « Quoi ? », pronom interrogatif qui ponctue de manière récurrente le texte et lui confère son caractère lancinant. Le temps devient alors « la seule narration qui compte ».
Don DeLillo a pris des risques en refusant de s’enfermer dans un genre qu’il maîtrise parfaitement. Le résultat n’est toutefois pas aussi convaincant, malgré quelques passages fulgurants qui nous rappellent que l’auteur de Body Art a aussi écrit de grands romans.