Avec Bis, Monique Bosco poursuit les confessions amorcées dans Confiteor, texte qui m’avait d’abord frappée par la dureté, c’est-à-dire la lucidité avec laquelle Monique Bosco se penchait sur sa vie pour l’ausculter, sans se donner la moindre chance de rachat. « Je ne suis que dans ces besognes que je m’impose comme une nécessaire punition pour tant de temps gâché et perdu […] », nous dit d’entrée de jeu Monique Bosco dans Bis, comme s’il fallait que le temps perdu se double d’un temps de labeur, pour bien marquer que la quête du paradis d’autrefois est inutile, puisque celui-ci n’a jamais existé, et que la mémoire est suffisamment honnête pour ne pas recouvrir les années révolues du seul voile qui pourrait atténuer la douleur de certains constats. Bis ne dément donc pas l’attitude adoptée par l’auteure dans son précédent recueil, comme son titre l’indique, et Monique Bosco y reprend son travail d’introspection avec la même intransigeance, le même regard caustique sur ce qu’elle fut et sur ce qu’elle est devenue, n’hésitant pas à user de sarcasme pour dénoncer le sort qu’on fait parfois à la vieillesse, vécue à son tour comme une faute : « Est-ce l’âge qui exige des vieilles femmes de sans cesse se faire pardonner pour cette peu rassurante image qu’elles offrent désormais ? »
Dans sa tentative de serrer au plus près les torts de son existence, Monique Bosco prend à témoin certains de ses auteurs de prédilection. Chateaubriand, Colette, Duras, Flaubert, et plus particulièrement Sarraute, sont ainsi appelés à la barre, à travers des textes à saveur autobiographique dont Monique Bosco se sert parfois pour dresser des parallèles avec sa propre existence, consciente néanmoins que toute entreprise autobiographique comporte sa part de mensonge, malgré le parti pris d’honnêteté qui en est parfois à la source : « […] car même quand on se confesse, comme je tente de le faire en ces pages, c’est bien évidemment en toute connaissance de cause, ou de mensonge, car je ne dis ni ne dirai jamais rien de totalement faux — ou d’absolument vrai — car, alors, nous serions dans un autre lieu où l’écriture n’a plus sa place ni sa raison d’être. » À travers ce recueil difficile à classer, qui se présente parfois comme un carnet de lecture, un livre de commentaires, c’est aussi à une réflexion sur l’écriture que Monique Bosco nous convie et, de là, à une réflexion sur le fragile et équivoque concept de vérité.
Bis, en somme, peut aussi être vu comme un livre de confidences, dans lequel on entre sur la pointe des pieds, pour ne pas troubler le recueillement du lieu, un peu honteux de se laisser aller à la part de voyeurisme que suppose ce genre de lecture, et d’où l’on ressort tête baissée, dans une vague odeur d’encens et de confessionnal, un peu troublé, cette fois, du goût doux-amer qu’il nous reste dans la bouche, mais aussi ému par la sensibilité de cette femme, de cette écrivaine qui, du moins, n’aura pas à se faire pardonner ses confessions. Seule ombre au tableau, un travail d’édition qui aurait demandé à être plus rigoureux, pour entre autres épurer le texte des quelques coquilles qui y subsistent et pour clarifier un système de citation où le lecteur se perd parfois.