À une époque dite « mondialisée », on a plus que jamais l’impression que la planète a été « rincée de son exotisme », pour reprendre l’expression que l’écrivain Henri Michaux employait déjà en 1929. Comment « regarder le monde sans l’intercession des images du monde » ? se demandait en 1999 le poète et cinéaste Pierre Perrault. « Les cartes postales nous précèdent en tous lieux. » C’est précisément la question que je me posais en commençant la lecture des notes de voyage de Benoît Melançon. Avec la multiplication des guides de voyage aussi variés les uns que les autres, cet opuscule de 62 pages peut-il nous surprendre ? Oui, certainement ! Plusieurs pays d’Asie restent encore imprégnés de mystères pour les Occidentaux. C’est le cas de la Thaïlande, ce fameux « pays du sourire », et de sa mégapole Bangkok, qui ne cessent de nous fasciner. Plus encore, le format du livre et l’approche adoptée par l’auteur ne manquent pas d’originalité. Ce petit livre ressemble un peu à un passeport (d’où sans doute le nom de la nouvelle collection « Passeport » dans laquelle il est publié), et en cela il se distingue nettement des imposants guides de voyage. Il se démarque aussi de la plupart des écrits de voyageurs qui rapportent généralement leurs pérégrinations sous la forme d’un récit avec une succession convenue d’étapes (départ, itinéraire et retour). Ici l’auteur a plutôt opté pour l’approche thématique, des thèmes tantôt attendus (tuk-tuk, mendicité, wat, sourire, etc.), parfois pittoresques (nombrils, amazone, retirez-les, etc.). La façon de traiter des thèmes n’est par ailleurs ni banale ni extravagante. Certes, on retrouve bien quelques lieux communs au sujet de ce pays des hommes libres, jamais colonisé, plein de contrastes, de plus en plus pollué, occidentalisé et envahi par les touristes dont plusieurs sont attirés par le marché du sexe. Mais ces clichés sont généralement abordés à travers des remarques aussi laconiques qu’ironiques ou des anecdotes personnelles qui les entremêlent subtilement et, ce faisant, les donnent à voir d’une manière inusitée. Ainsi de ce motocycliste thaï souriant mais dangereux qui évite de justesse le voyageur et ses enfants, ou encore de cette ville sans rats mais infestée de touristes. Deux petites réserves toutefois. Les photographies en noir et blanc illustrent plus ou moins clairement le propos. De plus, dans un livre qui compte très peu de pages pour rapporter des impressions sur un aussi vaste sujet (près d’une quarantaine de jours à Bangkok), pourquoi en consacrer cinq à la retranscription de critiques portant sur les ouvrages précédents de l’auteur (des ouvrages sans réel lien avec celui-ci) ? Cela dit, souhaitons que le premier-né de cette nouvelle collection sera suivi par d’autres, car les fameux vers de Baudelaire restent encore aujourd’hui bien à propos : « Étonnants voyageurs ! [ ] Dites, qu’avez-vous vu ? »
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